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Madama Butterfly en quasi direct du Greek National Opera

En plein confinement dû au Covid-19, l'Opéra national de Grèce lance sa chaîne de streaming et l'ouvre avec la diffusion de Madama Butterfly, enregistré les 10 et 16 octobre, avec d' et .

Mises en place dans une situation exceptionnelle, les plateformes vidéos devront être éprouvées avec le temps et sans doute pour certaines, regroupées ou basées plus sur des abonnements complets que sur de l'achat à l'acte, un tournant économique déjà connu dans la musique enregistrée, qui a laissé iTunes bien pauvre face aux Spotify et autres Tidal du marché. Mais dans cette période troublée, alors que personne ou presque ne peut plus accéder au parterre d'une salle de concert ou d'opéra, permettre aux artistes de jouer, comme on permet au sportifs de le faire, ne serait-ce que pour les maintenir en bonne forme physique, se montre plus que louable.

C'est donc avec respect que l'on aborde la nouvelle Madama Butterfly de l'opéra d'Athènes, vraiment nouvelle ni par sa mise en scène, réadaptée d'une production d' initialement présentée en 2013 dans l'Odéon d'Hérode Atticus au pied de l'Acropole, ni pour Cio-Cio San, puisque le rôle est tenu par l'une de ses meilleures titulaires actuelles, déjà entendue dans le rôle de l'Opéra de Cologne dès 2010 à New-York, aux Chorégies d'Orange, au Théâtre des Champs-Elysées  ou à Londres. Au moins l'opéra joue-t-il, et permet-il à un public, en partie au parterre vu la chaleur des applaudissements, et surtout chez lui grâce à la rediffusion, de profiter de l'ouvrage, disponible à partir du 25 octobre 2020 jusqu'à fin 2021. Trois cubes de bois, celui central plus large que les deux autres, suffisent à la scénographie du metteur en scène, également en charge des costumes, très classiques, des kimonos japonais à l'habit d'officier de Pinkerton, en passant par la chemise hawaïenne, motifs parfois mis en regard avec les vidéos de feuilles de dessins japonais en arrière scène. Seul le jeans de l'héroïne sous son habit traditionnel ose un peu de modernité, là où là plupart des seconds rôles se voient grimés ou blanchis, à l'image d'un théâtre Nô.


L'aigu filé à l'apparition d' annonce la couleur des notes à suivre, pour une soprano maitresse de bout en bout, jusqu'à la mort, par seppuku malgré le regard de l'icône catholique à côté d'elle, Suzuki en arrière-garde, prête à la décapitation, si toutefois l'héroïne refusait son geste d'honneur. Le dernier air rappelle justement ce point si important au Japon, déjà cité en exergue de l'opéra, bien que l'on reste encore plus convaincu par les duos avec Pinkerton et par le grand aria du II, Un bel di vedremo. est l'autre apport international de cette production, beau timbre, légèrement acidulé dans le haut médium parfois, et prononciation impeccable de sa langue natale, pour un rôle qu'il connaît déjà bien et devait porter lui aussi à Londres, en juin dernier. Solide Radamès à Nancy et Adorno électrique à Dijon ces dernières années, le chanteur n'aura pas totalement confirmé la carrière qu'on lui prédisait après son Duc turinois une décennie plus tôt. Il reste un ténor vaillant, agile sur toute la tessiture d'un rôle qui en piège beaucoup. La mezzo grecque Chrysanthi Spitadi porte parfaitement la seule grande partition pour mezzo-soprano que Puccini ait consacré à cette voix, Suzuki importante dès sa première scène, jusqu'à la dernière précitée.

On retient moins le Goro de Nicholas Stefanou, un peu faible à l'introduction, pour lui préférer le chaud Sharpless de Dionysios Sourbis ensuite, ou la discrète présence renforcée par la blondeur de cheveux comme de timbre de la Kate Pinkerton de . A un chœur peu fourni, mais bien préparé, s'accordent les odeurs marines renforcées par les vidéos (Sergio Metalli) et les lumières bleutées (Valerio Alfieri), quand l'Orchestre du GNO fait ressortir sous la battue du très concentré et sensible Lukas Karytinos, la partition retouchée –Covid-19 oblige encore – pour formation réduite, due à l'un des admirateurs et défenseurs les plus fervents du maître au siècle précédent, le chef et compositeur argentin Ettore Panizza.

Crédits photographiques : © arrêts sur image de la production

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