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Robin Ticciati et l’Orchestre de la radio bavaroise : de l’ombre à la lumière

À la tête de l'Orchestre de la radio bavaroise, nous propose un douloureux cheminement de l'ombre vers la lumière, depuis l'oppressante Marche funèbre de Schubert jusqu'à l'étincelante Sérénade n° 1 de Brahms, en passant par les énigmatiques et tragiques Kindertotenlieder de , interprétés par le baryton .

Un véritable concert initiatique qui s'ouvre sur la Marche funèbre solennelle de empruntée l'acte II de son opéra inachevé Adrast (1819-1820) sur un livret de Mayrhofer. Aussi rare au disque qu'à la scène, cette marche laisse une large place aux vents dans un dialogue serré entre trombones et petite harmonie (flûte, hautbois, basson). Austère et solennelle, sa progression lente et pesante n'est pas sans rappeler les compositions maçonniques mozartiennes.

Posant bien des questions quant à leur genèse, les Kindertotenlieder (Chants des enfants morts) constituent sans nul doute le climax de ce concert. Écrits par Friedrich Rückert à la suite de la perte de deux de ses enfants emportés par la maladie à quelques semaines d'intervalle, ces cinq lieder composés entre 1901 et 1904, dans lesquels certains ont pu voir une annonce prémonitoire, (Mahler perdra à son tour sa fille ainée quelques temps plus tard, en 1907) furent paradoxalement composés à un moment où le bonheur semblait sourire au compositeur. Ces textes terrifiants, redoutés par Alma qui y voyait comme une sorte d'appel à la fatalité, sont considérés par beaucoup comme le plus grand chant funèbre de la littérature mondiale. La musique de Mahler y développe une atmosphère pesante, immobile et oppressante, imprégnée de deuil avant de se conclure dans la sérénité illusoire d'une berceuse.

Encore une fois (on se souvient du récital, en 2015 à la Philharmonie de Paris, durant lequel , en compagnie du pianiste Gerold Huber, en donna une lecture mémorable) le baryton allemand, par son chant véritablement incarné, parvient à en saisir toute l'ambigüité, la lenteur obsessive et douloureuse où la thématique funèbre parcourt sans relâche des paysages sonores vides et désolés. On y admire le timbre, la souplesse et le naturel du phrasé, la diction irréprochable, la richesse en nuances, le splendide legato, autant que la somptuosité d'une orchestration foisonnante, parfaitement servie par un orchestre dont il serait vain de souligner l'excellence.

Conçue initialement pour un ensemble de chambre (1858), la Sérénade n° 1 de Johannes Brahms s'inscrit dans les œuvres de divertissement chères au XVIIIᵉ siècle, dans la foulée de Mozart, remises à l'honneur par Brahms, Dvořák ou encore Tchaïkovski. Plus ambitieuse par sa réorchestration secondaire pour grand orchestre, cette œuvre de jeunesse ne saurait prétendre à une quelconque comparaison avec les œuvres de la maturité du fait de son manque de profondeur et de ses longueurs quelque peu lénifiantes. Sans mériter l'injuste mépris dans lequel on la cantonne souvent, cette sérénade contemporaine du Premier concerto pour piano frappe par sa légèreté de ton et ses couleurs qui font briller tous les pupitres de l'orchestre. en donne une interprétation d'une limpide clarté, dynamique et pleine d'allant avec un Allegro initial rayonnant par la multiplicité des thèmes, un Scherzo presque dansant, un Adagio un peu terne par son absence de tension malgré une petite harmonie rutilante, un Menuetto développant un beau dialogue entre basson et clarinette, un second Scherzo vif et très cuivré sur un thème de chasse rappelant Haydn, avant un Finale bondissant recrutant tout le tutti dont on apprécie la cohésion, la mise en place, le lyrisme des cordes et la délicatesse des bois.

Un beau concert, un orchestre magnifique et un chef enthousiaste qui s'affirme comme une étoile montante incontestable de la direction d'orchestre.

Crédit photographique : © Giorgia Bertazzi

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