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Illusoire perfection de la Symphonie n° 4 de Mahler à Bamberg

Directeur musical de l' depuis 2016, a choisi, l'année dernière, et déjà dans le contexte de la pandémie, d'enregistrer la Symphonie n° 4 de Mahler. Le résultat n'est hélas pas à la hauteur du message d'espoir offert.

L' a gravé l'œuvre à trois reprises : avec , en concert, en 1971 (Deutsche Grammophon) puis dans le cadre de son intégrale, en 2006 (Tudor) et enfin, sous la baguette de . Comparer la précision de cette lecture récente avec l'expression charnelle que l'on entend, dans cette partition, un demi-siècle plus tôt sous la baguette de Kertész, laisse songeur. Avec , l'orchestre d'un style assez “mozartien” restait, hélas, à la surface des sentiments et des impressions. La voix de peu de caractère de la soprano Mojca Erdmann ne rachetait pas l'ensemble. Cette symphonie « pastorale » et de dimension intimiste ne peut être délivrée, paradoxalement, que par un engagement physique et une prise de risques constants. C'est le caractère imprévisible de l'émotion qui nous saisit depuis la version de , en 1945 (Sony).

On sait les Tchèques grands interprètes de l'œuvre de Mahler. On sait, aussi, que les Bamberger Symphoniker sont les descendants de l'illustre Orchestre philharmonique allemand de Prague dissous en 1945 et reconstitué dans l'Allemagne de l'Ouest renaissante. À cette filiation s'ajoute le parcours de qui a baigné dans cette culture d'Europe centrale. Il a, d'ailleurs, gravé quelques beaux disques, notamment pour Supraphon.

Le premier mouvement de la symphonie s'ouvre par un tempo très modéré. La froideur des timbres n'offre aucun émerveillement devant une nature qui s'éveille. Les pupitres semblent comme éparpillés sur le plateau de la salle et la fluidité du discours s'en ressent. Les premiers violons aux couleurs dures heurtent des bois fruités. Peu de générosité et d'épaisseur dans un contenu musical qui manque d'inventivité et, plus encore, de cohérence. Ce sont des parcelles de thèmes qui s'agglomèrent sans que l'ensemble fusionne réellement. L'attention se fixe sur tel ou tel pupitre comme l'excellente trompette solo, mais l'ennui pointe assez vite. Le violon solo accordé un ton plus haut est si présent que le second mouvement prend l'allure d'une pièce concertante. L'orchestre y fait « tapisserie » et la tension retombe. L'élan se perd dans la danse, en principe « satanique » et chaque intervention soliste devient un événement en soi. Le troisième mouvement, Ruhevoll, est vécu comme un songe, musique étale et sans direction, sans but : un pur objet sonore. Le caractère éventuellement « mystique » de cette page aurait pu fonctionner, s'il était nourri par une force intérieure comme chez Haitink ou Bernstein. Onctueux presque, le finale n'a rien d'une scène pastorale. Les joies du paradis et le souvenir d'un monde perdu à jamais ont été bien trop maquillés pour qu'ils soient crédibles. Si concentrée sur la qualité de la vocalité, la soprano ne « vit » pas l'émotion de cet instant si particulier dans l'univers symphonique mahlérien. Pourquoi faut-il que le souci de la perfection altère à ce point l'esprit d'une Vie céleste ?

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