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Samson et Dalila aux Chorégies d’Orange

Année Saint-Saëns oblige, les Chorégies d'Orange s'ouvrent sur une nouvelle production de Samson et Dalila, mis en scène par , avec et dans les rôles-titres.

On connait les rapports passionnels entretenus par le ténor français avec les Chorégies d'Orange : après plus de 15 participations depuis ses débuts en 1993, il décide en 2015 d'interrompre cette longue collaboration à l'issue de la dernière représentation du Trouvère de Verdi, évoquant la difficulté physique à chanter dans l'acoustique très particulière du Théâtre antique (projection vocale et conditions météorologiques). Cette absence prolongée explique son retour très attendu au pied du mur antique cette année où le festival « s'ouvre à sa voix… » avec cette nouvelle production de Samson et Dalila. Il faut bien reconnaître que depuis sa prise de rôle à l'Opéra de Vienne en 2018, suivie d'une brillante confirmation au MET, est devenu en quelques années, et à juste titre, un Samson incontournable. Pour cette session des Chorégies, comme pour la version de concert donnée en 2018 au Théâtre des Champs-Élysées, il retrouve ce soir , Dalila confirmée depuis sa prise de rôle en 2015 à l'Opéra de Montréal.

Concernant la mise en scène, , en maître des lieux, exploite avec pertinence le cadre exceptionnel du Théâtre antique dans une lecture cantonnée au premier degré ; mais était-il possible de faire autrement avec un tel sujet biblique, oscillant entre opéra et oratorio ? Le cadre est grandiose, les costumes idoines d'Agostino Arrivabene, obéissent à une dichotomie simple : les Hébreux en haillons et les Philistins en tenue solennelle, d'un kitsch avéré avec force masques et parures dorées étincelantes. Les lumières de Laurent Castaingt et la vidéo sont somptueuses, donnant au Théâtre antique des faux-airs de Petra, et l'écroulement du temple au troisième acte est à cet égard un moment particulièrement impressionnant. Les chorégraphies voluptueuses et sensuelles à souhait réglées par Eugénie Andrin durant la Danse des prêtresses et la Bacchanale, ainsi que la belle tenue de l', dirigé avec beaucoup d'élégance, de clarté et de pertinence par , participent encore de la fête.

 

La distribution vocale, quant à elle, appelle quelques réserves, à relativiser toutefois dans le cadre de la répétition générale à laquelle nous avons assistée, où les chanteurs ne sont pas tenus de chanter à pleine voix. Si campe un Samson parfaitement convaincant de bout en bout par ses arguments vocaux (puissance, diction, legato, timbre et homogénéité du chant dans tous les registres) comme par son abattage scénique, il faut bien avouer que déçoit quelques peu vocalement dans ces conditions bien différentes de celles, feutrées, du Théâtre des Champs-Élysées, avec une notable dégradation du chant entre un superbe « Printemps qui commence » (legato enjôleur, diction claire, ambitus large et timbre capiteux) à l'acte I, et un calamiteux duo à l'acte III avec le Grand Prêtre, pénalisé par un vibrato mal contenu, une projection insuffisante et des graves poitrinés. Le célèbre « Mon cœur s'ouvre à ta voix » n'emporte pas non plus une totale adhésion malgré un bel accompagnement de clarinette (Jérôme Voisin) et de harpe. Le reste du casting se caractérise par son inhomogénéité notoire : en vieillard hébreu fait mouche à chacune de ses interventions portées par l'autorité de sa basse ; (le Grand Prêtre de Dagon) se montre très inconstant ; manque totalement de puissance et de prestance vocale pour le rôle d'Abimélech, tandis que Marc Larcher et Frédéric Caton assurent avec ardeur leurs interventions modestes.

À la baguette, , chef lyrique assez peu connu en France, fait ses débuts pour l'occasion à Orange face à un « Philhar » d'une grande réactivité. Partenaire efficace de la dramaturgie, la direction s'avère équilibrée, d'une grande souplesse (sinuosités langoureuses de la petite harmonie et vagues orchestrales des cordes), riche en couleurs au sein d'un phrasé très narratif, exalté par de superbes performances solistiques (hautbois d'Hélène de Villeneuve, flûte de Mathilde Caldérini, percussions et cordes).

Le chœur, acteur essentiel dans cette œuvre, est irréprochable de bout en bout. Son entrée mezza-voce, empreinte de solennité et de douleur dès l'entame du premier acte, ou encore l'hymne de joie, sont des modèles du genre.

Crédit photographique : © Philippe Gromelle / Chorégies d'Orange

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