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La poésie de Sigismondo d’India magnifiée par les voix de La Cappella Mediterranea

Aujourd'hui injustement méconnu, Sigismondo d'India fut un précurseur dans l'art du madrigal. et ressuscitent ici un véritable tourbillon d'affects.

La monodie accompagnée est née en Italie au tournant des XVIe et XVIe siècles. Sigismondo d'India fut l'un des maîtres incontestés du madrigal, avec la publication de cinq livres de madrigaux à une et deux voix entre 1609 et 1623. S'il fut à la fois un pionnier et un modèle du nouveau style qui a infusé toute l'Italie, d'India fut trop vite oublié après sa mort et beaucoup de ses compositions sont désormais perdues. On redécouvre aujourd'hui une œuvre d'une grande sensualité, des mélodies riches en intervalles inusités et des frottements harmoniques qui rappellent Gesualdo. Textes poétiques et musique se partagent la scène pour exprimer les affects de ce véritable théâtre des passions humaines. Certains madrigaux plus légers s'apparentent à des chansons populaires, d'autres, plus tourmentés, ouvrent la voie aux grands airs de l'opéra naissant. Tous mettent en musique une poésie très sensuelle dont le texte doit rester intelligible (Prima le parole). Pétrarque est l'une des premières sources d'inspiration de l'époque. La musique se met au service du texte pour « toucher les passions de l'âme », comme l'indique d'India dans la préface de son premier livre de madrigaux.

Les voix des chanteuses sont très proches dans leur souplesse et leur art des contrastes, d'une pureté presque éthérée pour , plus incarnée pour . On avait déjà apprécié ce duo vocal dans un précédent enregistrement d'airs de Monteverdi, Lettera amorosa. Dans les pièces plus légères, les voix semblent se jouer des difficultés, comme lorsque ornemente la mélodie de Odi quello rosignolo pour figurer le chant de l'oiseau. Mais c'est dans les lamentations que d'India révèle l'étendue de son art : l'évocation de la mort d'Armide et, surtout, les deux grands airs de cet enregistrement, la lamentation d'Olympia et celle de Didon (Infelice Didone). Dans le premier, confié à , on vibre avec l'amoureuse abandonnée, passant de l'abattement à la colère, jusqu'au dernier souffle dans des pianissimi remarquables. Julie Roset n'est pas en reste dans la mort de Didon, où le désespoir de la malheureuse reine bouleverse par ses contrastes rythmiques et sa liberté harmonique. Nous avons là les prémices à toutes les grandes plaintes des héroïnes abandonnées de l'histoire de l'opéra.

Tout au long de ce programme, l'accompagnement fait preuve d'une parfaite expressivité au service du chant. Un continuo varié réunit cinq instrumentistes et fait la part belle aux cordes pincées, particulièrement à la harpe de Marie Bournisien. La théâtralité de ces pièces est ainsi parfaitement soulignée. Comme le dit lui-même, la musique de Sigismondo d'India nous offre « une incursion dans les profondeurs des émotions humaines ».

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