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Magie enfantine pour l’Ercole amante de Cavalli

Capté à l'Opéra Comique lors des représentations parisiennes en 2019, ce DVD d'Ercole Amante vient après une autre parution remarquée parue il y a un peu plus de dix ans (DVD Opus Arte, Clef ResMusica).

Certains peuvent se dire qu'avec le temps, si des œuvres ont été oubliées, c'est qu'il y a une (bonne) raison. Une raison, il y en a une pour cet ouvrage du grand maître italien qui a vu, au sein de la Cour de France, une opportunité à ne pas laisser passer pour déployer son art : il disposait de ressources bien plus fastes qu'à Venise où il avait l'habitude d'opérer. Mais la vision de n'a pas permis de respecter les délais, soit le mariage de Louis XIV avec l'infante d'Espagne prévu en 1659. Ce ne sera qu'en 1662 qu'Ercole amante verra le jour, obligeant le compositeur à une coupe de plus de deux heures dans sa partition pour laisser place au 18 entrées de ballet de Lully qui avait désormais la main mise sur l'art lyrique : une véritable déconvenue, voire une humiliation, pour un Cavalli bien déçu de son expérience au palais des Tuileries ; un véritable échec scénique tant l'opéra chanté en italien était passé au second plan face aux danses du roi et de ses courtisans.

Pourtant, la musique du vénitien présente bien des attraits, et d'abord une volonté du maître à s'adapter à un nouveau public. Ercole amante fut ainsi conçue telle une tragédie lyrique, soit en un prologue et cinq actes, qui propose pour le rôle-titre plutôt une voix de basse que de castrat, alors que le chant italien s'agrémente de caractéristiques françaises avec moins de vocalises virtuoses et du syllabisme plus prononcé dans les mélodies. Face à ce véritable bijou, fait le choix d'extraire les ballets de Lully afin d'en révéler toute son essence ; presque aucune coupure ni rajout n'est faits, exception faite de l'air de Serse à l'acte III (« Luce mie ») et un chœur dans l'acte IV.

Afin de favoriser couleurs et contrastes, le chef choisit deux harpes, trois clavecins, deux théorbes, un orgue, une ottavino, quatre violes de gambe, une basse de violon, et une contrebasse pour le continuo. L'orchestration italienne se reconnaît par la présence des flûtes, des cornets à bouquin et des sacqueboutes alors que la réincarnation des Vingt-quatre Violons du Roy est également identifiable sous les traits de l'effectif de Pygmalion. Dommage que ce faste orchestral ne soit pas mieux mis en lumière dans cet enregistrement, la prise de son privilégiant les voix. La lecture musicale se révèle toutefois d'un élan sensuel par la souplesse des phrases tout autant que foisonnante par les nuances et les couleurs.

Dans cet écrin, y dépeint un Hercule viril, fort d'une projection solide et d'un caractère bien trempé. Objet de convoitise du rôle-titre, , sous les traits d'Iole, forme un duo amoureux touchant et lumineux avec son partenaire (Hyllus). (Déjanire) bouleverse dans son « Ahi, ch'amarezza », flamboie dans son incarnation de Junon, (Le Page) et (Lichas) excellent dans les deux rôles comiques de cette distribution généreuse autant musicalement que sur le plan théâtral.

Visuellement, et nous transportent dans un livre de contes pour une approche enfantine et fantasque exaltante. L'amphithéâtre est un décor unique, simple et idéalement neutre pour permettre toutes les fantaisies. Les deux metteurs en scène ne s'en privent aucunement, faisant apparaître à envie des personnages hauts en couleurs (très beaux costumes de Vanessa Sannino qui rendent parfaitement à l'écran) et des machineries burlesques les plus folles. Ici, la dérision est de mise, en défaveur il est vrai de l'émotion de certaines pages. Mais finalement, cela est si bien fait que l'on en redemande !

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