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La clarinette multiphonique de Martin Adámek

Reçu à dix-neuf ans au poste de clarinette solo à l'Ensemble Intercontemporain, le jeune slovaque sort son premier CD, offrant un florilège de pièces pour clarinette des XXᵉ et XXIᵉ siècles où la flûte de et le violoncelle d'Andraj Gál s'invitent à plusieurs reprises au côté du soliste.

Prisée, davantage encore que la flûte, pour la richesse de ses ressources timbrales, la clarinette jouit aujourd'hui d'un répertoire immense dans lequel a fait sa sélection, ménageant la diversité des styles et des personnalités au sein d'un panel d'éminents compositeurs.

D'une seule voix : On goûte d'emblée la sonorité veloutée et chaleureuse de la clarinette d'Adámek dans Gra d', une pièce à l'écriture ciselée dont l'allure virevoltante et espiègle nous projette sur une scène de théâtre. Elle est élégante et réactive, dévoilant un registre aigu lumineux dans Impressions du compositeur slovaque qui s'intéresse au mouvement du son dans l'espace, avec filtrage des sonorités et travail sur la résonance. Preghiera per un'ombra de l'Italien s'inscrit dans une dimension incantatoire, laissant apprécier la pureté du timbre et la souplesse du jeu ornemental dans un espace médium aigu sans cesse revisité. La clarinette caresse l'ombre dans Let Me Die Before I Wake, une merveille de écrite à la marge du silence où la ligne ondulante de basse laisse émerger le son fragile et impalpable de ses harmoniques aigus. Il y a toujours dans la trajectoire Schiarrinienne une tension passagère, légère ride sur la surface d'une eau qui retrouve sa sérénité. L'instrument ductile et merveilleusement contrôlé épouse ces quelques fluctuations et texture l'espace de ses multiphoniques très doux et légèrement voilés par le souffle qui les traverse.

En duo : Les sons multiphoniques s'entendent également dans Oi Kuu (Oh! Lune) de où les parties de clarinette et violoncelle convergent et fusionnent en une texture vibrante et délicate. Richement timbré, le violoncelle d'Andrej Gal est souverain dans le début de Unity du compositeur argentin , rejoint ou plutôt intercepté à la quatrième minute par la clarinette qui lui rafle la vedette : proposition dramatique, déployant les capacités expressives et virtuoses des deux interprètes, que la voix, les sifflets et autres mots lancés font évoluer vers la farce. Stridence, distorsion du son et matière saturée s'exposent au début de Charisma dans cet aspect brut et âpre que revêt le matériau sonore de Xenakis. Clarinette et violoncelle se rejoignent et s'hybrident ou s'opposent et génèrent des contrastes abyssaux dans une recherche de l'inouï toujours au centre du travail du compositeur. Avec la flûte de Joséphine Olech, Esprit rude/esprit doux de Carter instaure un jeu entre les deux instruments qui s'écartent ou se rejoignent, tournoient et se poursuivent, réalisant une véritable chorégraphie dans l'espace. Ils sont complémentaires et échangent leurs rôles avec finesse et souplesse dans Chôro n° 2 de , une perle pour clarinette et flûte aussi courte qu'irrésistible, dont les rythmes chaloupés et la sonorité lumineuses des deux solistes nous enchantent.

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