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Le Retour d’Ulysse en concert à Metz, un vrai théâtre vocal

continue avec succès sa trilogie monteverdienne, et en sont les atouts dominants.

Entre L'Orfeo et Le couronnement de Poppée, Le Retour d'Ulysse est le mal-aimé des opéras de Monteverdi, bien à tort. En adaptant l'Odyssée, Badoaro fait preuve de la même inventivité et du même sens du drame, sans parler de l'humour, que Busenello pour Le couronnement ; et le concert de ce soir est une excellente occasion de se rappeler l'égal génie de Monteverdi compositeur de théâtre, d'autant que la partition est donnée avec des coupures limitées (la seule véritablement douloureuse est la scène où Télémaque raconte à Pénélope sa rencontre avec Hélène).

La première qualité de ce concert est l'excellente distribution réunie autour du ténor , directeur de l'ensemble et interprète du rôle-titre. Il s'y montre plus à l'aise que l'an passé en Orfeo, mais ce n'est pas lui qui attire le plus l'attention. Dès son monologue d'entrée, sensible jusqu'au murmure, est une grande Pénélope, douloureuse mais pas résignée, très attentive aux mots et à la rhétorique de ses interventions. L'autre grand bonheur dans les voix féminines est, comme souvent aujourd'hui dans le répertoire baroque, , impériale Minerve et implacable Amour, une vraie grande voix et l'intelligence qu'il faut pour en tirer le plus grand parti.

Dans l'étape parisienne de cette production, ce sera Philippe Jaroussky qui chantera le court rôle de la Fragilité humaine ; à Metz, c'est , qui n'a pas la même célébrité mais ne laisse aucun regret, sinon celui de la brièveté du rôle, avec son timbre chaud et sa délicate sensibilité. Un beau trio de prétendants très en verve, un Neptune profond, un Iro qui sait exister sans en faire trop : passons sur quelques interprètes moins convaincants, c'est le travail d'équipe qui impressionne d'abord ici.

Au-delà des performances individuelles (qu'on nous pardonnera de ne pas détailler toutes), le concert montre le travail rigoureux et engagé de tous les interprètes autour de l'œuvre. L'ensemble instrumental de 14 musiciens réalise un accompagnement intelligent et discret. Le continuo est riche, mais ne cherche jamais à prendre le pas sur le chant et sur le théâtre, à l'opposé de la tradition baroqueuse qui nous a plutôt habitués à des soutiens plus orchestraux ; les équilibres économiques des théâtres vénitiens de l'époque de Monteverdi indiquent cependant clairement que la primauté de la voix sur l'accompagnement était la règle. Le travail de préparation des chanteurs va fort heureusement de pair avec cette optique : un travail précis sur chaque phrase, seul capable de rendre justice à l'art de Monteverdi, où il n'y a pas de travail possible sur les notes sans travail sur le mot.

Lire l'Orfeo donné à Metz par la même équipe:

L'Orfeo de Monteverdi par l'ensemble I Gemelli

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