- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Guillaume Tell de Rossini, musicalement convaincant à Marseille

Qu'il est bon de retrouver un vrai spectacle vivant, à l'Opéra de Marseille grâce à ce Guillaume Tell de Rossini sous la direction de .

Bien sûr, les contraintes sanitaires demeurent, ce qui donne lieu en particulier au placement de l'orchestre dans les six premiers rangs de la salle, au lieu de la fosse. Cette disposition occasionne quelques cafouillages pour l'installation du public, malgré les efforts des équipes opérationnelles. Les chœurs, quant à eux, demeurent placés en fond de scène derrière une paroi transparente, bien que les scènes de foule sans foule soient choquantes, surtout quand il s'agit d'un Grand Opéra. Mais était-il pour autant besoin de nous infliger une aussi piètre mise en scène ?

Sur un fond neutre et sombre, et des lumières mornes, les éléments de décor sont constitués de parallélépipèdes en bois brut sans âme. Le seul accessoire (irritant) est une urne funéraire, que ce pauvre Arnold est obligé de trimballer sans cesse avec lui. Les costumes, surtout féminins, sont particulièrement peu seyants. Les ballets ont été remplacés par une pantomime maladroite, voire confinant au grotesque, et les trucages requis pour l'épisode de la pomme ou la mort de Gessler sont dignes d'un théâtre amateur, bref, le spectateur n'est pas à la fête avec cette mise en scène de .

Heureusement, le versant musical est d'un tout autre calibre. La partition choisie est annoncée, sans plus de précision, comme étant la version critique de l'Académie de Pesaro. On ne le contestera pas, mais il semble que quatre heures de spectacle, comprenant deux entractes, doivent induire beaucoup de coupures, même si elles sont habiles.

Comme d'habitude, l'Opéra de Marseille sait bien choisir ses voix. On dirait que le rôle-titre a été écrit expressément pour , car dans son interprétation, tout y est : la présence, l'énergie, des graves profonds et une palette de couleurs plus qu'appréciable. On lui a parfois reproché son manque de legato, il suffit d'entendre cette fois-ci, pour sa prise de rôle, son air « Reste immobile », chanté à fleur de lèvres, pour se convaincre du contraire. Quelques reprises au sein d'autres productions devraient encore en polir le pathos pour transformer ce beau baryton en un Guillaume idéal. De son côté, , brillant, vaillant, élégant, aigus en poupe, figure un Arnold éclatant de santé et de charme, quasi-parfait.

ne se situe pas sur les mêmes sommets. Certes, le timbre est joli, les vocalises d'une précision à toute épreuve, et les aigus assurés. Mais la diction est brouillonne et Mathilde n'est pas qu'un charmant rossignol : il faut plus de corps, plus d'âme, pour incarner vraiment ce rôle. Jennifer Coursier, desservie par une abominable perruque, est un Jemmy percutant. dessine une Hedwige idéale, il est dommage qu'elle ait aussi peu à chanter. campe un Melchthal bien falot, d'autant plus que l'absence de grimage le fait plus ressembler au frère d'Arnold qu'à son père. est un méchant cauteleux et détestable à souhait. Des nombreux second-rôles, tous à propos, on retiendra surtout la magnifique prosodie de .

Mais le plus grand bonheur de la représentation réside dans la baguette du très jeune chef (29 ans) . Même si du fait du placement de l'orchestre les équilibres sonores sont plus ou moins chamboulés, musicalement parlant, la représentation est réussie. La gestique du chef est précise et souple, sa vigilance envers le moindre pupitre, l'énergie de sa direction, qui veille néanmoins aux équilibres sonores, même si ce n'est pas facile dans cette configuration spatiale, forcent l'admiration. Un futur grand.

Crédit photographique : © Christian Dresse

(Visited 1 088 times, 1 visits today)