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Pour célébrer Halloween, Frankenstein Junior de passage à Metz

Spectacle drôle et fantasque dans la mise en scène tirée au cordeau de . Après My Fair Lady et une version adaptée de L'Auberge du cheval blanc, la scène messine se spécialiserait-elle dans les grands « musicals » de la tradition de Broadway ?


Adaptée du film éponyme de , lui-même une parodie des multiples adaptations du roman de Mary Shelley, la comédie musicale Frankenstein Junior est malheureusement encore peu connue en France. On ne lui connait sur l'hexagone qu'une seule production, donnée d'octobre 2011 à février 2012 dans l'efficace et habile version française de Stéphane Laporte au Théâtre Déjazet de Paris. Étonnamment proche du film dans sa structure et dans son scénario, l'œuvre de est pourtant tout à fait fidèle à l'esprit des grandes comédies musicales de Broadway avec son livret drôle et décalé, sa musique de show aux rythmes et aux inflexions jazzy, et le rythme effréné dans lequel s'enchainent les différents numéros chorégraphiques. Une des idées majeures de est de faire coïncider la programmation d'un ouvrage ouvertement burlesque, dérivé d'un roman issu du gothique anglais, avec la célébration des fêtes de Halloween. Le parti pris de la mise en scène, assez proche finalement de l'esthétique d'un film destiné à caricaturer les adaptations cinématographiques des années 1930, vise en effet à susciter cet esprit joyeux et festif paradoxalement nourri du goût démesuré pour l'horreur, l'effrayant et le macabre, mais aussi pour le déjanté et l'incongru. Le thème du savant fou qui, de son château transylvanien crée le vivant à partir de corps déterrés, se prête parfaitement, il est vrai, à l'entreprise. Le public du dimanche après-midi sera d'ailleurs invité à se rendre à la représentation vêtu d'un déguisement approprié. Ambiance garantie !

Marquée de nombreux et rapides changements de décor, la mise en scène ne souffre aucun temps mort, et les scènes se succèdent à bonne allure. On notera la beauté plastique de certaines images, telles la scène du départ en paquebot de Frederick, la traversée en calèche de la forêt transylvanienne – chef d'œuvre d'humour décalé –, la fugitive scène du cimetière ou tous les plans fixes affichant la silhouette du château. Les costumes années 30, les clins d'œil au cinéma hollywoodien encore balbutiant, les éclairages destinés à créer une ambiance nocturne ou encore les chorégraphies impeccablement agencées de Graham Erhardt-Kotowich, tout cela contribue au succès d'une entreprise qui, de toute évidence fait le bonheur d'un large public manifetement à la fête.


Le plateau de l'Opéra-théâtre de l'Eurométropole de Metz, qui mélange sans complexe acteurs-chanteurs de théâtre et artistes issus de monde lyrique, ne montre aucune faiblesse. Rescapé des représentations de 2011-2012, l'acteur Vincent Hedon est un séduisant Frederick doté d'un fort agréable ténor, dont la voix parlée évoque à la perfection la diction des années 1930. Autre transfuge de la création française, Valérie Zaccomer retrouve le rôle hilarant de la redoutable Frau Blücher dont elle ne fait qu'une bouchée. Dans le personnage lui aussi haut en couleurs du domestique Igor, l'acteur Grégory Juppin, visiblement inspiré par certaines images du film, incarne avec humour et fantaisie tout le macabre décomplexé dont se nourrit la comédie. Il en est de même de Lisa Lanteri, qui semble pratiquer aussi bien la danse que le chant ou la comédie. La soprano , dont le parcours est davantage marqué par la musique classique, utilise à bon escient ses solides ressources vocales pour suggérer le snobisme social de la fiancée new-yorkaise de Frankenstein, Elizabeth. En cela, elle est parfaitement assortie au monstre qu'incarne l'imposant , chanteur lyrique dont le beau baryton permet à la fin de l'ouvrage de démontrer toute la noblesse d'âme et la beauté intérieure du personnage de la créature de Frankenstein. On notera également la présence du vétéran Christian Tréguier dans le rôle court mais efficace de l'Ermite, ainsi que celle de , exceptionnel acteur-chanteur, dans le double rôle de l'Inspecteur Hans Kemp et du grand-père Frankenstein. Belles prestations également des choristes et des danseurs de la maison, ainsi que du Halloween Orchestra placé sous la direction du chef . Qu'ils soient issus du monde du théâtre, de la danse ou du chant, tous ces artistes ont rappelé à quel point la comédie musicale est un genre à part entière, qui compte énormément pour tous ceux qui considèrent que l'art lyrique, quelles que soient les formes qu'il a pu prendre, a de tous temps été un art total.


Crédit photographique : Grégory Juppin, et Lisa Lanteri (photo 1) ; ballet de l'Opéra-Théâtre de l'Eurométropole de Metz (photo 2) © Luc Bertau – Opéra-Théâtre Eurométropole de Metz

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