- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Jalousie en deux temps à Clermont Auvergne Opéra

Le jumelage de Cavalleria Rusticana et Pagliacci, trop brefs pour combler une soirée entière, est courant. Les similitudes des deux ouvrages donnent l'occasion à Eric Pérez de créer « un opéra dans l'autre », alors que est d'une efficacité brillante avec l'orchestre d'Opéra Éclaté.


Hormis et Anne Derouard remplaçant au pied levé une Gosha Kovalinska souffrante, toute la distribution de cette production du classique dyptique Mascagni/Leoncavallo, a été lauréate du Concours international de chant de Clermont-Ferrand : (Silvio), lauréat de la 25ème édition en 2017, et cinq lauréats de l'édition de 2019, soit Chrystielle Di Marco (Santuzza), Ania Wozniak (Lola), Dongyong Noh (Alfio / Tonio), Solen Mainguené (Nedda), et Jean Miannay (Beppe), donnant au casting une dimension internationale.

Dans le public, est le premier à apparaître, démarrant le spectacle par le prologue de Pagliacci. Cette proximité avec les spectateurs lui donne des ailes, tant le ténor propose des couleurs riches dans son chant, ainsi qu'une tenue vocale et théâtrale d'une élégante noblesse. Cavalleria Rusticana venant ensuite, c'est l'investissement total de la soprano qui brille de mille feux, la jeune femme formant une ligne mélodique soignée et menée par la confession poignante dans son grand air « Voi lo sapete », toute aussi touchante et dramatique dans l'exigeant « Inneggiamo, il Signor non è morto ». La chanteuse se révèle pleinement à la hauteur du rôle grâce à son sens dramatique certain, l'ampleur de sa voix, et une passion viscérale.

Avec Pagliacci, c'est surtout la performance de qu'il est important de souligner, le ténor menant avec vaillance le rôle de Turiddu pour le premier opéra, et celui de Canio dans le second, soit les deux grands rôles masculins de cette soirée. Menaçant et puissant face aux reproches de Santuzza (« Bada, Santuzza »), devenu démoniaque armé d'un couteau pour tuer son épouse, l'interprète déploie une énergie d'une constance probante, indiquant l'investissement entier du chanteur. Il n'oublie pas de véhiculer une détresse touchante (« Mamma, quel vino è generoso ») et une sensibilité nuancée dans son grand air « Vesti la giubba ».

Pour la mise en scène, Eric Pérez choisit judicieusement de faire un seul opéra avec les deux œuvres, Cavalleria devenant un spectacle de la troupe ambulante de Canio, soit du « théâtre dans le théâtre ». Lorsque l'on sait que le village sicilien de Mascagni fut l'objet de critiques en raison de son « réalisme » douteux, le compositeur lui-même rejetant les préceptes véristes dès 1910 en les considérant comme un frein à la musique, on ne peut que se réjouir de ce parti-pris. Le traitement des masses aurait mérité plus d'intérêt (le chœur Opéra Éclaté étant agréablement homogène), certains choix de mise en scène auraient mérité plus d'audace (la direction d'acteurs au duo entre Santuzza et Lucia est d'un classicisme affirmé), la scénographie aurait mérité un décor plus consistant (choix assurément délibéré pour mieux affronter une tournée)… Mais le regard du metteur en scène est de qualité, alors qu'en fosse, l'approche de est superlative.

L'orchestre d'Opéra Éclaté est extrêmement efficace, sans tomber dans les travers de nombreuses interprétations où vérisme équivaut à décibels. renouvelle les couleurs avec finesse et attention, la maîtrise du discours n'excluant pas la ferveur et l'éclat de la passion.

Crédits photographiques : © Cédric Michael

(Visited 408 times, 1 visits today)