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ONF extatique sous la baguette de Cristian Măcelaru

Dans un programme d'une rare complétude associant la Suite Dolly de , les deux Concerti pour violoncelle n° 1 et n° 2 de Saint-Saëns avec en soliste et le Poème de l'Extase de Scriabine, réussit un étonnant grand écart symphonique à la tête de l'.

 

De l'audace, de l'audace, toujours de l'audace… Il faut dire que Christian Măcelaru, nouveau directeur musical de l'ONF, n'en manque pas en affichant un tel programme, particulièrement excitant et ambitieux, qui nous conduit crescendo de l'insouciance de l'enfance aux affres du mysticisme scriabinien.

La Suite Dolly de ouvre la soirée par un bain de fraicheur et d'élégance typiquement française, teintée d'une certaine insouciance. Dédiée à la fille d'Emma Bardac (future épouse de Debussy), composée initialement pour piano à quatre mains entre 1893 et 1896, secondairement orchestrée par en 1906, elle se compose de six courtes pièces comme autant d'instants d'intimité évoquant le monde de l'enfance. Il serait vain de reprocher à cette œuvre une orchestration un peu facile et de lui demander plus que ce qu'elle peut donner… Peut-être faut-il simplement se laisser aller à son charme mélodique superbement rendu ce soir par le National. Tout ici n'est que grâce et volupté : de la fluidité et de la douceur de Berceuse où flute et harpe rivalisent de charme, soutenues par de jolis contrechant de cor ; du dialogue joyeux entre cordes et petite harmonie dans Mi-a-ou ; de la légèreté un peu mélancolique du Jardin de Dolly dont on apprécie l'ampleur et la souplesse du phrasé ; de l'invitation à la danse et du lyrisme des cordes de Kitty Valse ; de la profondeur d'intonation dans le dialogue entre cordes, harpe et hautbois de Tendresse, ou des accents hispaniques et de la dynamique pleine d'allant du Pas espagnol.

Place ensuite à , la bien nommée, actuellement en résidence à Radio-France, rayonnante du plaisir de jouer les deux Concerti pour violoncelle de . Deux œuvres bien différentes, composées à trente ans d'intervalle. Si le Concerto n° 1 (1872) apparait plus lyrique, plus centré sur l'instrument soliste, en revanche le Concerto n° 2 (1902) se montre plus théâtral dans sa conception, peut être plus extraverti et sollicitant de façon plus tenue l'ensemble de l'orchestre. Le deuxième opus est abordé dans un premier temps, débutant par un dialogue enflammé avec le National avant de laisser place à l'émouvante cantilène du violoncelle, alliant virtuosité et legato, précédant un second mouvement empreint d'une virtuosité quelque peu excessive et rageuse à laquelle fait face crânement l'orchestre chauffé à blanc. Plus intériorisé, le Concerto n° 1, donné ensuite, laisse plus de place au cavalier seul du violoncelle auquel l'orchestre complice répond par des traits successifs dans une juste répartition des rôles. Belle occasion pour de faire valoir une fois encore la superbe sonorité de son Matteo Goffriller de 1730 et son époustouflante digitalité. L'air de Lensky, extrait d'Eugène Onéguine de Tchaïkovski, parachève un succès bien mérité.

Le Poème de l'Extase d' conclut le concert sur une interprétation en tous points remarquable : né des sonorités ruisselantes, languides et mystérieuses rappelant Debussy, le célèbre thème de l'Affirmation s'élève à la trompette avant que le phrasé ne se creuse et que le discours ne s'organise sur des rythmes plus marqués dans un crescendo chargé d'attente parfaitement conduit par : beaucoup de nuances, de couleurs, de fluctuations agogiques et de tension dans cette interprétation qui nous prend à la gorge de bout en bout et nous séduit par la clarté de la texture orchestrale mettant au jour toutes les performances solistiques (cuivres, percussions, violon solo, flute), comme par la continuité d'un discours qui jamais ne cède à une quelconque confusion. L'œuvre se conclut par une coda cataclysmique qui ne trouve sa résolution que dans un accord majestueux d'ut majeur clamé par les cors, les trompettes et l'orgue et le tutti. Du grand art !

Crédit photographique : © Radio France

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