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Jeanine de Bique : Miroir ! dis moi que je suis la plus belle !

On déplore régulièrement l'absence d'originalité de certains récitals en CD. A quoi bon enregistrer d'énièmes extraits de La Traviata ou de Carmen que nous connaissons par cœur, si ce n'est pour démontrer la beauté vocale de l'artiste, sans rien nous faire découvrir de nouveau ? Une remarque qui ne saurait s'appliquer à ce nouvel album de .

Pour le premier enregistrement de , le musicologue Yannis François a alors eu l'excellente idée d'apporter quelque chose de neuf à la musique de Haendel, que la soprano a déjà beaucoup chanté sur scène, en la confrontant avec celle de ses contemporains, d'où son intitulé « Mirrors ». Le CD couvre environ quarante ans de l'âge d'or de la musique baroque, en mettant face à face la Cléopâtre du caro sassone et celle de Carl Heinrich Graun, son Agrippina et celle de Telemann (même si dans ce cas on triche un peu, car il s'agit dans un cas de la mère et dans l'autre de sa fille), sa Rodelinda et celle de Graun, sa Deidamia et celle de Gennaro Manna, et deux fois l'aria « mi restano le lagrime », dédiée par Haendel à Alcina, mais quelque années auparavant par Riccardo Broschi à la sœur de la magicienne, Morgana.

Afin d'éviter le risque d'ennui, il a cependant été décidé de choisir des morceaux placés à des moments différents des opéras et présentant des affects opposés du même personnage : à un air de déploration succédera un air de fureur, à une aria de désespoir une autre de vengeance, etc. C'est un choix assumé. Les compositeurs opposés à Haendel sont moins connus que leur concurrent (qui par exemple n' avait jamais entendu parler de Gennaro Manna ?) Ainsi, sur les douze extraits proposés, trois sont des inédits.

nous propose donc douze portraits de femmes dans tous leurs états. Commençant par une Cléopâtre de Graun étourdissante de virtuosité et se terminant par une Alcina bouleversante de douleur, la soprano, qui n'hésite pas à se montrer en body moulant au verso de la pochette, dévoile avec sensibilité tout le spectre des émotions possibles chez un être humain. Son timbre, aisément reconnaissable, déploie une vaste palette de couleurs, un charme piquant, et une merveilleuse maîtrise technique.

C'est également le premier enregistrement de en tant que chef, qui dirige le depuis le clavecin où il assure le continuo, et il le fait avec panache. Situés judicieusement à chaque tiers de l'album, les ouvertures de Partenope, l'une de Haendel, l'autre de Leonardo Vinci, offrent une respiration bienvenue au milieu de tant de subtilités vocales.

Pour les téméraires qui voudraient suivre l'enregistrement sur la notice, sachez que le texte des airs chantés n'est accessible que par le scan d'un QR code, et que les textes d'accompagnement, uniquement en allemand et en anglais, ont été mélangés lors de leur rattachement à la pochette. C'est dès lors un véritable parcours du combattant d'y comprendre quoi que ce soit, à moins d'aimer les puzzles.

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