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Netrebko et Salsi ensorcèlent Macbeth de Verdi à La Scala

Premier spectacle d'ouverture officiel pour au Teatro alla Scala di Milano, Macbeth de Verdi retrouve le geste souple de renforcé par une distribution de haute volée, dont le couple et .


Créé en 1847 à Florence, Macbeth apparaît dès le 24 février 1849 à Milan, repris encore trois fois dans la ville pendant la décennie suivante, puis à partir de 1874, dans la version de Paris, chantée en italien. En cette fin d'année 2021, le chef-d'œuvre de Verdi ouvre la nouvelle saison du Teatro alla Scala et la première officielle du nouveau surintendant, , entré en fonction plus tôt que prévu, mais ensuite contrarié par les confinements successifs (lire notre entretien).

Aujourd'hui majoritairement monté dans la version parisienne, l'opéra perd souvent au moins le ballet, non-coupé cette fois-ci et donc totalement dansé, par le corps de ballet, mais aussi par , sensuellement engagée dans cette chorégraphie de Daniel Ezralow. De cette même version parisienne, on retrouve évidemment l'air La luce Langue, toujours aussi imposant et sombre sous le chant de la soprano russe. De très haute tenue toute la soirée, elle impose souvent à de ralentir encore le tempo afin de pouvoir tenir toutes ses vocalises impeccablement. La ligne affiche parfois une approche quelque peu technique, ayant perdu en souplesse ce qu'elle a gagné en ampleur depuis 2018 à Londres. Pour autant, cette Lady reste infaillible, notamment dans le superbe duo en fin d'Acte II avec Macbeth, et comme lors de ses précédentes prestations, l'air Una macchia è qui tuttora! de l'Acte IV est habité d'une folle et noire puissance, sous tension car chanté du haut d'une passerelle, sur laquelle Netrebko n'est pas attachée.

Macbeth retrouve avec le meilleur baryton-basse actuel pour le rôle, impeccable de style et de diction pour composer un personnage perturbé, sans contrôle réel sur les éléments, plutôt qu'un véritable méchant. Il obtient le plus long triomphe de la soirée avec son air Fuggi regal fantasima à l'acte III, superbement caractérisé et coloré dans le registre noir. Son timbre s'accorde parfaitement avec celui d', dont les graves plus profonds sont aussi plus clairs, et démarquent alors bien la part plus honnête de Banco. On peut trouver ce chant presque trop déclamatoire, mais si beau qu'il s'en montre irréprochable, de même que celui de , qui offre un grand moment de musique avec l'aria de Macduff.

Dans les seconds rôles, Iván Ayón Rivas propose un beau médium pour Malcolm, et surtout, en Dame et en médecin créent un remarquable duo pour répondre à Lady Macbeth en début d'Acte IV. Le héraut de complète bien la distribution, précis dans son texte, tandis que le chant profite encore particulièrement des somptueux chœurs de la Scala préparés par Alberto Malazzi, dont les femmes subliment toutes les parties de sorcières. Au plateau s'accorde la fosse, qu'on pourra trouver trop réservée ou trop peu sombre, car la vision de Chailly, à l'image de celle enregistrée pour Decca à Bologne en 1986, se veut plus lyrique et Grand-Opéra. Pour autant, le chef suit et développe le livret de Piave et Maffei tout au long de la soirée, escorté par les merveilleuses sonorités de son orchestre, individuelles et collectives, dont les trompettes, toujours impactantes pour leurs soli.


Cette nouvelle production revient à un metteur en scène bien connu en Italie, , à la fois moderne par les images et classique par ses transcriptions. Il ne déroge pas à cette règle avec ce Macbeth, plongé dans une dystopie futuriste, qui en dehors d'un décor de Giò Forma impressionnant, assisté par les vidéos de D-Wok et les lumières d'Antonio Castro (d'une qualité proche de celles des films Babylon A.D. ou Blade Runner 2049), ne propose aucune véritable originalité dans sa transposition de la pièce de Shakespeare. Au moins, la mise en scène ne laisse-t-elle jamais les acteurs statiques, bien que plusieurs airs chantés en hauteur, notamment dans un ascenseur monté et descendu, n'apportent pas grand-chose, de même que les costumes roses des sorcières prévus par Gianlucha Falashi tentent un contraste avec les habituelles couleurs qui leurs reviennent, sans plus développer cette notion.

Plus flatteuse à l'œil qu'à l'esprit, la production ne gâche pas la fête, et plus de quinze minutes après le tombé de rideau, une partie du public est encore en salle pour applaudir la luxueuse distribution et le chef, témoignant d'une grande ouverture de saison à la Scala di Milano.

Crédits Photographiques : © Marco Brescia & Rudy Amisano

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