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La Carmen subtile de Marie-Nicole Lemieux au Capitole

La singularité de la Carmen de fait mouche devant la salle comble du Théâtre du Capitole.

Souvent évoquée comme une prise de rôle, la Carmen de a pourtant fait ses armes dans une version de concert mise en espace en 2017 au Théâtre des Champs-Élysées. Déjà en 2010, l'artiste affirmait à ResMusica se sentir prête pour le rôle.

Carmen est souvent dépeinte selon une séduction animale, et incarnée grâce à une fougue viscérale. La contrealto choisit de livrer une sensualité subtile, complétée par un regard incandescent et un charisme magnétique que nous connaissons bien chez cette interprète. La vision scénique très classique de aurait toutefois permis à une bien plus grande prise de risques, que celle-ci ne s'est apparemment pas autorisée. Malgré tout, l'amplitude de sa voix sombre et chaleureuse prend solidement dans ces moindres contours toute la mesure du rôle, par le biais d'une palette riche de couleurs sonores, de sons de poitrine incandescents, de graves soutenus et d'aigus vibrants.

La complémentarité de cette finesse et de cette force se matérialise également dans la danse flamenco d'Irene Rodriguez Olyera, son double sur scène. La jeune danseuse mêle une technique accomplie à une grâce d'une élégance exaltante, pleinement en phase avec l'orchestre, que ce soit avec ses talons ou avec ses castagnettes. Par la danse ou par la voix, c'est bien la même Carmen qui vibre.

Au côté de Marie-Nicole Lemieux, (Don José) est un partenaire idéal pour le rôle-titre tant les qualités vocales sont similaires : l'amplitude vocale, la projection solide, les couleurs variées et les nuances menées au millimètre caractérisent l'art de ce ténor. Un legato idéalement mené et une diction précise agrémentent un chant à la hauteur de la réputation de l'artiste.

Alors que les deux principaux protagonistes n'ont aucun mal à prendre le pouvoir sur la fosse grâce à leur puissance de projection, est celui qui fait principalement les frais de la direction musicale alors que la baguette de aurait pu aisément s'adapter à cette caractéristique de la distribution vocale de la soirée. Dans son costume de toréador, son Escamillo manque quelque peu de mordant et de suprématie alors que l'on est habitué à un interprète plein d'éclat. De son côté, brille particulièrement sous les traits d'une Micaëla profonde et noble, mais surtout pourvue d'une éloquente humanité.


La Maîtrise du Théâtre du Capitole, parfaitement préparée, arrive même à faire de l'ombre à ses aînés tant l'homogénéité des voix de ces enfants et la précision dont elles font preuve, sont abouties. Masqués, les choristes du Capitole manquent souvent de vibrations et de passions dans leurs interventions, souvent en raison d'une diction à parfaire et d'une projection à mieux porter. Peut-être sont-ils trop accaparés à se bagarrer ou à assister, spectateurs actifs, au drame qui se joue dans l'arène ?

Dans la fosse, la direction de sait maintenir l'attention par des contrastes et des couleurs que l'Orchestre national du Capitole renouvelle continuellement. Sans revenir sur la mise en scène découverte sans enthousiasme en 2018, soulignons la projection des ombres sur l'étau de fonte (lumières de Laurent Castaingt) qui renforce l'atmosphère dramatique d'une destinée tragique.

Crédits photographiques : © Mirco Magliocca

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