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Le grand écart du Ballet de Lorraine à Nancy

Le poursuit son effort de vivification du répertoire chorégraphique contemporain avec ce deuxième temps fort de la saison danse à l'Opéra de Lorraine, qui affiche à la fois une reprise de et une création de .

 

En première partie, le Ballet de Lorraine choisit de reprendre Twelve Ton Rose, une pièce de 1996 pour neuf danseurs, de la chorégraphe américaine , sur une partition d', interprétée en direct par les musiciens de l'Orchestre de Lorraine. Twelve Ton Rose (1996) est la seconde pièce du « cycle musical » de sur une musique d'Anton Werben (Opus 5, 7 et 28). Le titre est un jeu de mot inspiré de twelve ton rows, le dodécaphonisme, une technique de composition musicale imaginée et développée par Arnold Schönberg et utilisée de manière récurrente par Webern. Véritable pépite du répertoire de la chorégraphie américaine, tout est subjuguant par sa rigueur, sa liberté, sa virtuosité dans l'occupation de l'espace, sa maîtrise des silences et du rythme. Les danseurs en rouge et noir témoignent du niveau d'excellence atteint par la compagnie . Duos et quatuors de toute beauté, maîtrise du champ d'expression de Trisha Brown, tout concourt à la réussite de cette reprise. L'on aimerait voir figurer ce ballet au répertoire d'autres compagnies françaises.

C'est une tout autre histoire que raconte dans sa création pour la compagnie, Decay. Déroutant dans ses dix premières minutes, Decay est une pièce de la décadence et du désordre. Faisant surgir des fantômes de la danse (grâce aux costumes disparates dont ils sont vêtus, on reconnaît Giselle, Carmen ou le Faune, parmi les rôles emblématiques du répertoire), les laisse évoluer comme des électrons libres sur un plateau complètement nu. Petit à petit, la chorégraphe utilise tous les ressorts d'une écriture du désastre, souvent pratiqué par Régine Chopinot ou Boris Charmatz, et théorisée par Maurice Blanchot, jetant les danseurs dans l'effroi, le désarroi, et dessinant avec ces corps qui miment l'abandon une sarabande macabre. Dans le final, sous la lumière crépusculaire d'un projecteur qui se balance, ne tenant qu'à un fil, le murmure de Remember me, la lamentation de Didon dans l'opéra éponyme de Purcell se lève, littéralement poignant.

Crédits photographiques : « Decay » de Tatiana Julien © Laurent Philippe

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