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Voix en miroir par I Gemelli

Après le beau succès de son Orfeo de Monteverdi en 2020, l'ensemble nous propose des variations autour du duo de ténors formé par et .

La métaphore du miroir tient une place centrale dans le theatrum mundi de l'époque baroque, où le reflet et l'écho entrent en résonance avec le tourbillon des affects. Mathilde Etienne, co-fondatrice avec de l'ensemble , signe ici un texte de présentation remarquable qui nous parle d'instabilité, de métamorphose, de réalité fuyante, autant de thèmes consubstantiels à l'art baroque. Elle nous dit aussi que les musiques choisies pour cet enregistrement forment comme un portrait en creux du grand Monteverdi, absent du programme mais présent sous forme de citation quasi littérale dans l'air Dove ten'vai de et dans une chaconne d' qui rappelle furieusement son Zefiro torna. L'Italie du début du XVIIᵉ siècle met volontiers la voix de ténor en avant, et c'est dans ce répertoire de duos que s'opère ici le jeu de miroir entre deux voix parfaitement équilibrées. Les instrumentistes ne sont pas en reste dans ce dialogue où s'enlacent les volutes de diminutions particulièrement éloquentes, à l'exemple de la flûte de Rodrigo Calveyra qui ponctue l'air Se l'aura spira de Frescobaldi.

Le programme s'ouvre sur un duo du très méconnu Vincenzo Calestani, où la somptuosité du continuo riche en cordes pincées nous rappelle l'Arpeggiata du début des années 2000. Violons et flûte y mêlent des ritournelles instrumentales d'une très belle virtuosité. La suite est une alternance entre airs mélancoliques et épisodes burlesques qui s'enchaînent en un tourbillon d'affects contrastés parfaitement maîtrisé. L'air La vecchia innamorata de , chanté avec truculence par , est d'un comique irrésistible. Il contraste avec la plainte sublime de Sigismondo d'India, Piangono al pianger mio, et l'air Giunto alla tomba du même, où la voix chaude d' fait merveille sur un tapis de cordes pincées. Les duos instrumentaux répondent en écho aux duos des ténors : langoureux duo de violes de Sigismondo d'India (Myriam Rignol et Julien Léonard), explosif dialogue virtuose entre la flûte et le violon dans la célèbre Sonata quarta de Dario Castello. Tous les instrumentistes sont excellents, et le continuo particulièrement inventif et varié, avec une mention spéciale pour la harpe de Marie-Domitille Murez. Quant aux deux voix enlacées, elles se répondent avec subtilité, dans une large palette d'affects qui servent parfaitement le texte des poèmes, toujours très lisible. Il est à noter que cet enregistrement est le premier CD paru sous le jeune label Gemelli Factory. Une parfaite réussite pour cette première. Avec ce programme sur mesure, l'ensemble n'aura jamais aussi bien porté son nom.

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