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La fastidieuse Coppélia de Roland Petit à Munich

Une chorégraphie répétitive et un projet dramaturgique trop faible ne sauvent pas un ballet irrémédiablement daté.

À quoi bon ? En 1975, peut-être l'incursion de l'esthétique du Lido dans le ballet classique faisait-il frissonner – d'aise ou d'effroi – les premiers spectateurs de cette Coppélia, à une époque où les réinventions contemporaines des grands ballets du répertoire n'étaient pas entrées dans les habitudes. La décision d'Igor Zelensky de faire entrer cette pièce au répertoire en 2019 avait de quoi surprendre, tant le passage du temps n'a pas été favorable à la mémoire de , en particulier à ses grands ballets narratifs des années 1970 – voir Proust ou les intermittences du cœur, que Brigitte Lefèvre avait fait entrer au répertoire du Ballet de l'Opéra de Paris sans qu'il puisse s'imposer. La première impression de cette Coppélia, c'est le décor monumental d'Ezio Frigerio, grisaille sans âme dont le seul mérite est de correspondre parfaitement à l'œuvre qu'il illustre : cette paroi austère coupe la scène de façon à ne pas laisser plus de profondeur que n'en a la chorégraphie de .

La perspective de Petit sur Coppélia est facile à comprendre : face à la poupée Coppélia, il présente les humains comme tout aussi mécaniques et dénués d'âme qu'elle. C'est, au fond, la donnée de base de toute version de Coppélia ; n'ajoute pas beaucoup de subtilité et de diversité à ce postulat de départ, a fortiori dans le premier acte, avec ses éternelles danses de hussards et de jeunes filles, qui n'ont pas plus de fonction narrative que de diversité chorégraphique. On reconnaîtra à la chorégraphie une certaine qualité d'humour tongue in cheek, mais il ne suffit pas de ressasser toujours la même chose pour que cela en devienne du comique de répétition.

Dans cet océan de platitude chorégraphique, on ne peut se raccrocher qu'aux danseurs du Ballet de Bavière – trois rôles solistes en tout et pour tout. Petit demande au couple central une technique sans faille et beaucoup de rapidité en même temps qu'une capacité à jouer. en Franz est tout aussi irrésistible que la semaine précédente dans Le songe d'une nuit d'été de Neumeier, avec une danse généreuse, qui unit parfaitement technique et humour. Sa partenaire est au début de sa carrière et remplace pour cette représentation une danseuse plus confirmée, mais elle s'impose avec une parfaite aisance, aussi bien dans les parties les plus classiques de son rôle que dans les parties plus comiques. Nul doute que d'autres rôles solistes autrement plus intéressants l'attendent.

Le trio est complété par , vétéran de la troupe dans laquelle il est entré en 2005 – il y est désormais maître de ballet, tout en continuant à jouer des rôles de caractère. Son rôle de dandy un peu raide mais facétieux est essentiellement confiné au second acte, et il réussit à lui donner beaucoup de relief. Tous les trois tirent donc le meilleur parti de ce qu'on leur donne à danser, mais ils auraient pu le faire dans un contexte plus stimulant, à la manière de la Paquita remontée à Munich par Doug Fullington et Alexei Ratmansky, autrement plus stimulante que cette pochade désuète.

Crédits photographiques © Emma Kauldhar

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