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Avec Sir Simon Rattle, Le Chant de la terre de Mahler en mode musique de chambre

Dans l'orchestration raffinée de Glen Cortese, Rattle distille les sonorités du chef d'œuvre de Mahler, dont les liens avec Les Métamorphoses de Strauss se voient renforcés. Très belles prestations de et de .


Déjà en décembre 2017, Sir avait dirigé à la Philharmonie de Luxembourg un programme qui associait les Métamorphoses de Strauss au Chant de la terre de Mahler. Belle idée que de coupler une pièce de 1945, conçue par Strauss comme un adieu à la culture et au romantisme germaniques, à ce que Mahler a composé à la fois comme adieu au monde terrestre et comme une vibrante ode à la vie et à la nature. Les liens thématiques entre les deux œuvres, pour le concert de cette année, sont encore renforcés par le choix de l'orchestration allégée de Glen Cortese. Annoncé « pour orchestre à cordes », quoique faisant appel à l'instrumentarium traditionnel, l'effectif constitué d'une cinquantaine de musiciens renforce les transparences orchestrales et les subtilités harmoniques du Chant de la terre, au point d'en tirer une œuvre désignée comme une symphonie lors de sa publication vers les sonorités intimistes de la musique de chambre. Les bois et les vents, particulièrement mis en avant, ressortent ainsi du tissu instrumental de manière quasi ensorcelante.

Un des autres mérites de ce bel allégement orchestral consiste en la délicatesse vocale que peuvent s'autoriser les deux solistes. Pour une fois, la voix de ténor n'est pas couverte dans le « Trinklied vom Jammer der Erde », dont l'énergie et l'optimisme communicatifs sont idéalement rendus par le chanteur britannique . De nature plus mozartienne que wagnérienne, la voix se coule dans les lignes mélodiques des trois numéros où il intervient, tout en gardant sa qualité vibrante et claironnante. Dans la partie d'alto, est particulièrement à son avantage dans les moments lents et introvertis, notamment dans son premier morceau « Der Einsame im Herbst », dont on gardera en mémoire le sublime dialogue avec le solo de hautbois et les premiers violons en sourdine. Si le manque de volume est un peu gênant dans la partie agitée de « Von der Schönheit », pour ne rien dire d'une diction allemande qui pourrait parfois paraître un rien pâteuse, « Der Abschied » permet à la mezzo-soprano tchèque d'alléger encore davantage les dorures de son chant et de distiller les nuances les plus raffinées. Ses derniers « Ewig… ewig ! », murmurés du bout des lèvres, sont absolument bouleversants. On gardera de ce concert le souvenir d'un programme d'une rare cohérence, et d'une interprétation d'une délicate musicalité. Après les fulgurances symphoniques des grands orchestres qui ont permis d'entendre le chef d'œuvre de Mahler dans cette même salle – dont les Wiener Philharmoniker en 2015 –, la lecture plus feutrée du a elle aussi ses atouts et ses qualités.

Crédit photographique : , et le © Philharmonie Luxembourg

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