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Le jeune prodige Klaus Mäkelä signe une intégrale des symphonies de Sibelius appelée à faire date

que les auditeurs parisiens connaissent bien désormais n'avait que vingt-cinq ans à peine lorsqu'il a gravé en 2021 les sept symphonies et Tapiola de Sibelius, donnant à ce cycle majeur une unité et une profondeur de vue impressionnantes, rivalisant avec les meilleures intégrales existantes.

On connaît tous désormais la formidable et fulgurante ascension de qui, à vingt-six ans, est déjà un chef prodige et reconnu, à la tête et de l'Orchestre de Paris et de l'Orchestre philharmonique d'Oslo et programmé pour prendre bientôt la direction du Concertgebouw. Mais pour son premier enregistrement, cette gravure intégrale des sept symphonies de Sibelius à Oslo n'en constitue pas moins un choc.

Dès la première (1899), on est saisi non seulement par la profondeur de l'image orchestrale, les contrastes dynamiques saisissants, la mise en valeur des subtilités de l'orchestration mais surtout par une conception pensée, dynamique, capable même de donner une unité à une œuvre où les influences nombreuses (les Russes, y compris Rimsky dans un finale qui n‘a jamais été aussi proche du naufrage de Sinbad dans Schéhérazade, mais aussi Bruckner). Dans la vaste deuxième, qui fait le lien entre le post-romantisme des débuts de Sibelius et son style condensé à venir, il marie également le sens de la grande forme sensible dans le finale hymnique aux brusques changements d'atmosphère du premier mouvement et aux accents de balade farouche du deuxième (avec même quelques emportements particulièrement rageurs). Les cinq autres symphonies appartiennent au monde totalement personnel de Sibelius, dégagé des influences antérieures. La merveilleuse troisième (peut-être la plus parfaite à notre goût) est un modèle d'équilibre et de clarté sans exclure l'émotion de son deuxième mouvement, l'énigmatique quatrième oscille entre les raclements des cordes graves et les échos fantomatiques de chorals brucknériens. On peut certes trouver des versions plus éclatantes de la puissante cinquième, dont la forme très travaillée est cependant remarquablement restituée, mais c'est la sixième, lumineuse, joyeuse presque joueuse qui atteint à mon sens le sommet de ce cycle exceptionnel. La monolithique septième est certes impressionnante mais comme pour la cinquième on trouve des versions plus imposantes dans la discographie. Complément du bref dernier CD (alors que le premier qui regroupe les deux premières symphonies dépasse les 85'), Tapiola parvient en mettant en valeur les alliages de timbres insolites à susciter cet effroi sacré devant les divinités des bois ; restent trois brefs fragments (le plus court fait environ 15'') reconstitués d'après des esquisses trouvées dans la maison du maître et que l'éditeur présente comme sans doute tirées de la légendaire huitième symphonie qui aurait été écrite puis détruite. C'est trop peu pour se faire la moindre idée de cette page mythique.

Mais au total, ce cycle qui montre que le Philharmonique d'Oslo n'a rien perdu de sa qualité virtuose acquise pendant les années Jansons se situe parmi les plus belles gravures actuelles, servie de surcroît par une prise de son digne de la réputation de Decca. On ne délaissera pas pour autant les intégrales de Berglund, Barbirolli, Bernstein, Maazel à Vienne ou plus près de nous Rattle à Berlin, ni quelques gravures célèbres comme celles de Karajan ou Bernstein à Vienne, mais on est bluffé par une telle maîtrise venant d'un si jeune homme. Un souhait pour finir, que Mäkelä nous donne les poèmes symphoniques et la gigantesque symphonie Kullervo qu'on attend désormais de lui.

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