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Au Verbier Festival, la rencontre de Klaus Mäkelä et de Yuja Wang

Dans l'enthousiasme suscité par l'exceptionnel concert de Klaus Mäkelä et Daniil Trifonov donné deux jours plus tôt, le public avait répondu présent pour cette nouvelle confrontation musicale où le chef finlandais rencontrait la pianiste chinoise .

À la tête du , plus petite formation que celle qu'il conduisait deux jours auparavant, on retrouve fidèle à sa manière charismatique d'aborder les musiques qu'il dirige. Après quelques secondes de concentration, il ouvre un visage souriant immédiatement capté par l'orchestre pour le mouvement vif d'ouverture du Tombeau de Couperin de Maurice Ravel. Personne ne s'y trompe. Sans emphase, sans aucune volonté de briller, il capte néanmoins toute l'attention sur sa personne. Musiciens, public, tous ont le regard focalisé sur le jeune chef. Même les caméras qui renvoient des images du concert sur deux grands écrans placés de chaque côté de la scène sont plus souvent braquées sur le chef que sur l'orchestre. Et néanmoins la musique continue son déroulement inexorable. À se demander si, comme dans un film, elle accompagne les gestes et les expressions du visage de . Mais non ! ce sont bien ses gestes, ses sourires, ses regards plus ou moins appuyés qui dictent les couleurs de l'orchestre. Toujours en mouvement, pas un geste du chef finlandais qui ne soit l'expression précise d'une nuance, d'une intention, d'un appel, d'un départ.

Après ce premier épisode tout en finesse interprétative, soignant son image, fait une entrée remarquée. Après une rapide et profonde révérence, elle prend place à son piano. Tel qu'imaginé par Franz Lizst, le Concerto pour piano et orchestre n° 1 ne laisse pas de place pour l'à-peu-près. Avec une technique pianistique époustouflante, un toucher unique, une précision diabolique des attaques, la pianiste chinoise en donne une exécution irréprochable. Si l'on apprécie quelques beaux passages dans le Quasi adagio, puis un brillant final Allegro marziale animato, sur le plan des émotions pures, elle n'atteint cependant pas les sommets qu'on lui avait connus lors de son interprétation des concertos de Prokofiev en 2018 sous la direction de Gianandrea Noseda. Toutefois, dans son bis, la mélodie d'Orphée (Gluck) dans la transcription pour piano de Giovanni Sgambati, offre un bienvenu moment de paix.

Puis, la Symphonie n° 3 de Jean Sibelius dont s'est fait un spécialiste unanimement salué par la critique depuis sa récente intégrale enregistrée. Nos lignes s'en sont d'ailleurs fait l'écho. On retrouve ici, le chef musicien et efficace, qui nous avait tant charmé lors de son précédent concert. Ne se départant jamais de la mobilité bienveillante de son visage, de son sourire éclairant, de l'expressivité corporelle qu'il dégage, son charisme s'épand au sein de l'orchestre. Dans le deuxième mouvement Andantino con moto, le chef finlandais offre l'un des plus délicieux dialogue qui soit entre les clarinettes et les flûtes sur le lit soyeux des cordes. Comme des paysages de plaines étendues à peine dérangés par quelques rares arbres, une nostalgie profonde s'exhale de ces pages admirablement mesurées que nous offre un attentif au moindre signe du chef. La façon avec laquelle Klaus Mäkelä ramène les bois et les cuivres vers les ambiances brumeuses des cordes est d'une beauté magique.

Nonobstant la qualité indéniable de ce concert, du soin apporté à chaque œuvre, Klaus Mäkelä nous apparait plus à l'aise devant un très grand orchestre que face à un ensemble plus réduit. Reste que si le public a généreusement applaudi cette prestation, la plus grande gratitude au talent du chef se ressentait parmi les membres du visiblement enchantés d'avoir trouvé, tout à la fois, souplesse et rigueur dans la musicalité de Klaus Mäkelä.

Crédit photographique : © Agnieszka Biolik

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