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À Liège, Gautier Capuçon en guest-star pour l’ouverture de la saison de l’Orchestre philharmonique royal

Pour son ouverture de saison, l' accueille dans l'assez rare Concerto pour violoncelle de , et programme en seconde partie une œuvre essentielle et exigeante du répertoire romantique, la Faust-Symphonie de donnée dans sa mouture purement symphonique originelle.

Composé pour Gregor Piatigorsky, en 1955-56, à Forio d'Ischia dans la baie de Naples, le Concerto pour violoncelle de malgré une inspiration thématique très british ou une orchestration diamantine, laisse poindre une amertume désabusée de l'âge mûr, sous les dehors d'un hédonisme très lyrique (premier temps) d'un humour sardonique (allegro appasionato central) voire d'une angoisse latente (final – un thème suivi de six improvvisazioni également réparties entre orchestre et soliste). réhabilite splendidement ce classique très couru en pays anglo-saxons mais peu fréquenté de ce côté du Channel. Il domine irréfragablement la partition avec une insolence presque provocatrice, pare d'un lyrisme irrépressible et d'une sonorité fondante, malgré la sollicitation permanent de l'aigu de l'instrument, l'onirique et tintinnabulant mouvement liminaire, se joue des chausse-trappes multiples du virtuose et primesautier scherzo central et aborde avec un sens théâtral consommé le final, notamment au fil des deux immenses cadences solistes. Peut-être le chic classy de sa signature instrumentale très française, un rien lisse, son legato un soupçon trop systématique au fil de cette œuvre ambivalente gomment-ils certaines aspérités de la partition tels que les avaient illustrées tant le dédicataire de l'œuvre, que plus près de nous le regretté Lynn Harrell, beaucoup plus râpeux et direct. Mais dans ce registre à la fois gourmand et gourmé, il trouve en à la tête d' une phalange mosane, très disciplinée et timbriquement suave, un partenaire attentif, totalement au diapason de sa conception diaprée et châtiée.

En bis, le violoncelliste nous gratifie de l'amusante mais redoutable transcription par …Gregor Piatigorsky de la brève marche du recueil pour piano « pour les enfants » opus 65 de Sergueï Prokofiev.

En seconde partie, et l' proposent une lecture assez inégale de la Faust-Symphonie de , donnée dans sa mouture originelle de 1854, juste ponctuée par la rédemption – purement orchestrale – de Gretchen, donc sans le splendide chœur final pour chœur d'hommes avec ténor soliste obligé basé sur les ultimes vers du second Faust goethéen.

Comme le titre de la saison « Notes fondamentales » le sous-entend, la phalange mosane revient cette année à ses « essentiels » et retrouve pour ce concert d'ouverture une œuvre qui, voici un quart de siècle, fit sa gloire sous la férule de Pierre Bartholomée. Les pupitres, aujourd'hui jeunes et enthousiastes, ont été depuis quasi totalement renouvelés et font souvent preuve durant les 70 minutes de l'œuvre d'une louable cohésion, juste un peu émoussée dans le Méphistophélès final, au terme de cet épuisant parcours.

se contente d un effectif orchestral proche probablement de celui de la création à Weimar – une cinquantaine de cordes, des bois par deux non dédoublés. L'œuvre au-delà de ses enjeux esthétiques et méta-musicaux acquiert de la sorte une patine plus chambriste sous des dehors moins uniment démonstratifs. Plutôt que de buriner les caractères psychologiques des trois personnages, Madaras retient de l'œuvre surtout une trame narrative programmatique, dans la lignée des premiers poèmes symphoniques du maître, au prix par exemple, au fil du long (une bonne demi-heure !) mouvement liminaire consacré à Faust, d'un certain morcellement de la pensée musicale : il sacrifie quelque peu les transitions, parfois assez mal gérées dans leurs oppositions, leurs ruptures dynamiques, leur crescendi organiques – et l'architecture globale du mouvement entier sur l'autel de la poésie de l'instant. Les cinq thèmes tour à tour tortueux, rebelles ou volontaires caractérisant Faust sont certes parfaitement ciselés mais un peu benoîtement alignés au détriment de toute urgence dramatique, loin des indications impetuoso, agitato ou appasionato placées en exergue de la partition.

C'est dans le mouvement central, portrait de Gretchen, directement enchaîné ce soir, véritable scène d'amour sans paroles que l'approche sincère mais parfois trop linéaire du chef fait davantage mouche. Le lyrisme spontané de cette sublime page et la conjugaison en sa coda des thèmes leitmotive évoquant l'union fusionnelle des deux amants mettent en évidence les superlatives qualités individuelles des solistes du cru ; citons entre autres, l'alto poétique de Ning Shi, le hautbois adamantin de Sylvain Cremers, la clarinette féline de Jean-Luc Votano ou les quatre solistes séraphiques du pupitre de premiers violons sous la houlette du konzertmeister Alberto Menchen.

Mais dès son attaque, le final, placé sous l'autorité dévastatrice de Méphistophéles, niant un à un les cinq thèmes faustiens du mouvement liminaire, déçoit, faute d'un impact sonore calibré et vigoureux : ce portrait supposé sulfureux et grimaçant se dérobe ce soir par la faute d'une direction d'orchestre assez littérale : mollesse des attaques – souvent flottantes – des cordes, ponctuations timorées des bois, interventions parfois timides des cuivres ou halo vaporeux des timbales trop sourdes. Les enjeux esthétiques de ce final destructeur, moqueur et d'une aveuglante modernité semblent souvent échapper au jeune, convivial et, ici, trop consensuel chef.

Certes l'acoustique enrobée et émolliente de la Salle philharmonique de Liège réduit quelque peu l'impact de la masse sonore dans sa globalité mais la conduite placide voire inexpressive – ah ! ce bras gauche si peu mobilisé – de Gergely Madaras – trahit l'esthétique et les ressorts poétiques de ce portrait musical vitriolique, potentiellement aussi disruptif que volcanique. Seules les ultimes mesures, rédemptrices, de la coda originale (liliputienne eu égard au magistral chœur final de la version définitive), bien menées, apportent une délivrance inespérée après ce glacial enfer de boudoir ! En bref avouons une certaine déception, voire un certain dépit, face à cette interprétation correcte mais policée et quelque peu prosaïque, surtout au vu la relative rareté de cette essentielle partition au concert.

Crédits photographiques : Gauthier Capuçon et l' © François-Xavier Cardon ; Gergely Madaras ©Marco Borggreve

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