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L’Orchestre National d’Ile de France décevant dans l’Octuor de Schubert

Interprété par les musiciens de l’ONDIF, l’ample et lumineux Octuor de Schubert s’inscrit dans le vaste cycle consacré au compositeur par la Philharmonie de Paris.

Plutôt que de considérer l’Octuor de Schubert comme une épure préludant à la composition de la grande Symphonie n° 9 en ut, peut-être faut-il au contraire l’envisager comme un chef-d’œuvre en soi, sommet du répertoire chambriste schubertien, à la fois par ses dimensions (six mouvements et une durée de près d’une heure) comme par le subtil agencement des timbres entre vents et cordes. Composé en 1824, il résulte d’une commande du Comte Ferdinand Troyer, excellent clarinettiste amateur, un détail d’importance qui explique la place privilégiée qu’occupe la clarinette dans cette composition. Élégant, raffiné, porté par une grande variété d’inspiration qui jamais ne compromet l’unité de l’ensemble, il surprend par son coté joyeux et hédoniste, mâtiné d’une pointe de mélancolie car survenant dans un contexte de santé chancelante (Schubert se sait atteint de la syphilis depuis 1822). Loin d’en figurer un pale épigone, il s’inscrit dans la droite ligne du Septuor op. 20 de Beethoven, de 20 ans antérieur, qu’il dépasse largement par sa grâce mélodique et sa poésie.

Les musiciens de l’ONDIF, réunis pour l’occasion, nous en livrent, hélas, une lecture assez fade, volontiers confuse, qui manque singulièrement d’homogénéité et de cohésion, deux maîtres-mots qui doivent constituer le fil rouge de toute interprétation de musique de chambre, en particulier dans une formation d’octuor…

Le premier mouvement Allegro marque d’emblée les limites d’une interprétation peu convaincante : confus dans l’organisation de la polyphonie, constamment obéré par un cor (Tristan Aragau) tonitruant et nasillard, échappant à tout contrôle et mettant à mal la nécessaire homogénéité de l’ensemble. La clarinette (Jean-Claude Falietti) dans ce mouvement initial manque de rondeur; face à elle, le violon solo (Clément Verschave) peine à affirmer son leadership, le phrasé parait raide et l’équilibre entre cordes et vents en permanence compromis. L’Adagio suivant qui n’est pas sans évoquer le Larghetto du Quintette de Mozart par son introduction méditative à la clarinette, retrouve enfin de la présence et du volume par l’engagement plus marqué du violon solo et une mise en place qui progressivement s’affirme. On apprécie la poésie du phrasé, la sonorité du violoncelle (Frédéric Dupuis) qui forme avec la contrebasse (Pierre Maindive) une charnière heureusement solide ; l’Allegro Vivace déploie dès les premières notes son célèbre thème porté par une dynamique allante et des appuis rythmiques bien marqués qui redonnent une certaine cohésion à l’ensemble. On note là encore les beaux contrechants du violoncelle et un soutien efficace du basson (Ludovic Tissus) ; l’Andante déroule un dialogue serein entre violon et clarinette, bien soutenu par les cordes graves ; le Menuetto manque de ce subtil mélange d’élégance et de rusticité, mais également de dynamique et de cette pointe de galanterie qui en fait tout le charme ; l’Andante-Molto Allegro final, bien introduit par les sonorités graves du violoncelle, haletant et empreint d’un sentiment d’urgence de bon aloi, referme cette lecture assurément pas assez travaillée.

Crédits photogaphiques : Pierre Maindive, contrebasse 2nd Solo ; Frédéric Dupuis, violoncelle © ONDIF

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