- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Nouvelle version discographique de la tragédie Scylla et Glaucus de Jean-Marie Leclair

Sans égaler tout à fait l'enregistrement réalisé par John Eliot Gardiner en 1986, cet album constitue une contribution majeure dans l'œuvre de . On admire toute particulièrement l'ensemble Il Giardino d'Amore et la direction de .

Fortement inspiré des œuvres de Rameau, Scylla et Glaucus est l'unique tragédie lyrique de , compositeur surtout connu dans l'histoire de la musique pour être l'un des fondateurs de l'école française de violon. Même si l'influence ramiste est manifeste, Leclair imprime à la partition un style tout à fait personnel, notamment par une orchestration particulièrement soignée faisant appel à une virtuosité instrumentale tout à fait exceptionnelle, et une palette harmonique d'une rare richesse (vingt tonalités différentes, dont deux airs dans le ton plutôt rare de si majeur). Le livret concocté par un certain Monsieur d'Albaret n'est pas d'une grande originalité, mais on se plaira à le rapprocher de tous les opéras magiques de la première moitié du XVIIIᵉ siècle qui reposent sur le portrait d'une puissante magicienne blessée et meurtrie dans son amour. Le portrait musical de l'enchanteresse Circé est ainsi des plus saisissants.

L'enregistrement proposé par le label Château de Versailles est l'un des rares à se mesurer au monument autrefois dirigé par John Eliot Gardiner, et publié par Erato. Sa valeur ajoutée réside dans la décision du chef d'orchestre d'enregistrer la toute première version de l'œuvre, dans sa forme originale et débarrassée des nombreuses corrections qui, au XVIIIᵉ siècle, avaient été ajoutées par un certain nombre de compositeurs dont, entre autres, François Rebel. Ce retour au texte d'origine confirme l'exceptionnelle qualité d'orchestrateur de Leclair. Pour ce qui concerne l'interprétation, il était difficile de surpasser celle choisie par Gardiner en 1986, et parmi lesquels on dénombrait les chanteurs baroque de la première génération dont Donna Brown, Howard Crook, Catherine Dubosc et Agnès Mellon, sans oublier la formidable Rachel Yakar, inégalable Circé. L'équipe francophone réunie pour mettre à bien ce projet conçu et enregistré en Pologne est d'un bon niveau général. Se détachent notamment le ténor , tout à fait à sa place dans la tessiture de haute-contre du héros Glaucus, ainsi que la soprano , convaincante à la fois dans les scènes de séduction et de fureur de la magicienne Circé. Belles prestations également de Chiara Serath, , et . À la tête de l'ensemble Il Giardino d'Amore, la direction de est tout simplement éblouissante, autant dans les pages tensives et dramatiques que dans les moments de légèreté et de divertissement. Une version à ranger à côté de celle qui, il y a près de quarante ans, avait révélé ce chef-d'œuvre de la musique française.

(Visited 839 times, 1 visits today)