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Résurgence de la Force du Destin à l’Opéra de Paris

Transposée dans l'Italie du Risorgimento, la production de La Forza del Destino de Verdi retrouve les planches de l'Opéra Bastille, avec une nouvelle distribution dans laquelle remplace dès le premier soir Anna Netrebko souffrante.


Créée en 2011 par Philippe Jordan et reprise en 2019 par Nicola Luisotti, la mise en scène de pour La Forza del Destino revient cette saison à Paris, reprise cette fois par . Les décors d' et les costumes de , participant à transposer l'histoire du XVIIIᵉ siècle vers l'Italie du Risorgimento du XIXe. Et c'est bien là la seule vraie trouvaille de la proposition scénique, qui n'hésite pas à tomber dans un pastiche de Carmen à l'acte de l'auberge, mais tente un lien délicat entre l'année de composition (1861) et le fait qu'à cette période, Verdi tente d'échapper par son contrat pétersbourgeois à ses obligations de député, tout juste acceptées sous un pays dirigé par celui auquel on crie « Viva V.E.R.D.I » (Viva Vittorio Emanuele Re D'Italia), acronyme retrouvé peint à l'acte III.

Comme en 2019, le chef en fosse pour cette reprise est italien. Mais si les origines latines de l'inclinent à être invité partout dans le monde pour diriger ce type d'opéra, on ressent cependant chez le nouveau directeur musical du Detroit Symphony Orchestra bien plus un chef symphonique subtil, comme par exemple dans la Sinfonia, qu'un chef d'opéra au dramatisme souvent limité pour porter les grandes scènes. Par cette approche, réussit surtout les moments chambristes, dont un magnifique final à l'orchestre, et une direction fine des Chœurs de l'Opéra de Paris, très ajustée notamment pour les hommes.

Force du destin, sur le plateau une Anna en remplace une autre, puisqu'Anna Netrebko malade a annulé quelques jours plus tôt au profit d', qui fait donc ses débuts à l'Opéra de Paris dès le premier soir de cette série de reprises. Très différente de sa consœur slave, la soprano italienne se démarque par un chant plus sobre, qu'elle développe d'abord avec retenue à la première scène, encore quelque peu acide dans le haut-registre, pour mieux marquer par la suite un magnifique et sensible « Pace, pace mio Dio! » à l'Acte IV.


Face à elle, (Alvaro) débute un peu mesuré lui aussi sur le plateau parisien. Visiblement en petite forme, il aurait sans doute pu se faire annoncer malade en début de représentation, puisqu'il avait annulé les dernières de Don Carlo au Met début décembre. Il présente ici encore en début de représentation une voix forcée, anormalement limitée à l'aigu. Par la suite, mieux projeté, le ténor gère avec ferveur son air au III, sans pour autant ne jamais offrir à dans les duos le charisme qui permet à celui-ci de s'enflammer comme avec d'autres partenaires. Parfaitement en voix, le baryton français se démarque alors par la beauté de son chant, gagnant aux applaudissements après son grand air « Morir! Tremenda cosa! », mais peu marquant scéniquement à cause d'un jeu d'acteur limité par la production.

Au moins lui reste-t-il d'être excellemment entouré, tant par le Fra Melitone bonifié par les années de Nicolai Alaimo – déjà présent à la création de la production -, que par un Padre Guardiano aux graves chaudement distillés par en très grande forme vocale. Le reste de la distribution trouve la Preziosilla vive mais un peu facile d', cependant agile jusqu'à la dernière octave, l'Alcade ouvert et ample de , le Trabuco bien marqué par le timbre nasal de Carlo Bosi, et surtout au prologue le Marchese chaud de et la Curra en voix de Julie Pastouraud. En espérant que Anna Netrebko puisse chanter les prochaines dates prévues, cette première laisse augurer de beaux soirs avec pour les dernières de cette reprise fin décembre.

Crédits photographiques : © Charles Duprat/Opéra national de Paris

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