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Nancy : Le Barbier de Séville en semelles de plomb

Avec une mise en scène usée et une direction musicale bien sévère, l'Opéra national de Lorraine présente en cette fin d'année un Barbier de Séville peu festif, dont l'intérêt est à trouver dans une distribution jeune, bourrée d'énergie et fort convaincante.

La mise en scène de a été créée en 2008 à Berne. Dès l'origine, elle ne constituait pas la plus incontestable réussite de son auteur, comme on le relevait déjà à Genève. Avec le temps et de nombreuses reprises (Oviedo et Tel-Aviv entre autres), elle ne montre plus que ses défauts, ses lourdeurs et ses grosses ficelles. Dans un souci de ne pas ennuyer, surcharge l'action d'une avalanche de gags pas toujours très drôles ni très fins. Parmi quelques exemples, Almaviva reconnaît Figaro en urinant à ses côtés contre un mur, ou Rosine s'épile les jambes durant « Una voce poco fa ». L'astucieux décor de Julia Hansen en maison de Bartolo à ouvertures variables finit par lasser dans sa rotation permanente. Le comique répétitif du Docteur Bartolo en caricature de dentiste torturant ses patients et les gazant au protoxyde d'azote, dont il use lui-même à l'occasion, s'épuise rapidement, tout comme celui de Basilio puis d'Almaviva déguisé en Don Alonso en clones d'Elvis Presley à l'accent américain. À l'instar du public, on rit finalement très peu.

D'autant que n'est pas venue retravailler avec les chanteurs mais a confié cette tâche à Jean-Michel Criqui. La direction d'acteurs s'en ressent. Elle manque de naturel, de liberté, de parfaite assimilation. Pourtant, chacun fait consciencieusement sur scène les tâches qu'on lui a assignées mais la mayonnaise ne prend pas et la confusion domine. Un seul exemple : malgré les efforts méritoires de en Almaviva dans son duo avec Figaro au premier acte, sa parodie de Gene Kelly dans Singing in the rain passe inaperçue et tombe à plat. Il s'agissait de la première représentation de la série ; on peut espérer que tout devrait mieux se caler pour les suivantes.

La jeune et fraîche distribution réunie par l'Opéra national de Lorraine offre bien plus de satisfactions. À sa tête, est un Figaro de premier plan, à l'émission franche, aux aigus nets et puissants, doté d'une grande aisance scénique. Pas étonnant qu'il en ait fait son rôle « signature » sur de nombreuses scènes. Plus jeune dans la carrière mais tout aussi bien formée, est également remarquable en Rosina aux registres impeccablement soudés, aux graves pleins et riches, à la vocalise naturelle et déliée. Incontestablement, une mezzo-soprano au riche potentiel. campe un Almaviva charmeur, au timbre clair et un peu nasal, à l'aigu brillant et généreux mais moins à son aise dans la vocalisation.

Les voix graves sont moins convaincantes, qu'il s'agisse du Bartolo excellent comédien et à l'aigu puissant mais au registre grave très étouffé et en retrait de ou du Basilio très engagé mais à la justesse et à la précision rythmique contestables de . En Berta, assure avec relief son seul air « Il vecchiotto cerca moglie » cette fois conservé, tandis que Henry Neill et Yong Kim tiennent leur rang en Fiorello et Officier. Le Chœur masculin de l'Opéra national de Lorraine apporte sa contribution avec une belle homogénéité et une grande qualité de nuances.

Dès l'ouverture, la direction de surprend par la retenue de ses tempos qui se confirmera durant tout le premier acte. Est-ce par souci d'assurer la parfaite coordination avec le plateau ? La régularité de sa rythmique, la pesanteur concomitante des basses de l'Orchestre de l'Opéra national de Lorraine, la prudence des accélérations ne permettent jamais à la partition de pétiller ni de nous emporter. Le second acte sera heureusement plus enlevé, plus rythmé, plus libre aussi, avec comme rançon quelques très menus décalages.

Crédits photographiques : (Figaro) et (Rosina) / En haut,  (Figaro), (Rosina) et (Almaviva) © Jean-Louis-Fernandez

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