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Il Barbiere di Siviglia, des gags sans l’intrigue

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Berne. Stadttheater. 26-IV-2004. Gioacchino Rossini (1792-1868) : Il Barbiere di Siviglia, opéra en deux actes sur un livret de Cesare Sterbini. Mise en scène : Mariame Clément. Décors et costumes : Julia Hansen. Avec : Claude Eichenberger, Rosina ; Alexandra Shenker, Berta ; Alexey Kudrya, Comte Almaviva ; Lionel Peintre, Dottore Bartolo ; Robin Adams, Figaro ; Ivaylo Ivanov, Don Basilio ; Renato Danelon, Ambrogio ; György Antalffy, un ufficiale. Chœur d’Hommes du Stadttheater Bern (chef de chœur : Lech-Rudolf Gorywoda). Berner Symphonieorchester, direction : Srboljub Dinić.

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Après son hilarante et inventive mise en scène du Voyage à Reims de Rossini en 2005, on était impatient de voir quelles idées originales allaient montrer dans Il Barbiere di Siviglia.

Comme il fallait s'y attendre, et sa fidèle décoratrice et costumière envahissent la scène avec un fourmillement de gags, de situations comiques et d'idées qui accrochent le public. Dans le décor astucieux quoique assez laid d'un cube tournant sur lui-même permettant au spectateur de se projeter en l'espace d'un instant, dans la maison de Bartolo, la chambre de Rosine ou sur la place de Séville, les deux jeunes complices s'en donnent à cœur joie. Trop. Beaucoup trop. A force de faire rire à tous les instants, s'écarte du propos de l'intrigue.

Mais le spectacle reste très divertissant, même si on peut toutefois mettre en doute la pertinence de transposer Beaumarchais dans les années rock. La pièce originale rengorge suffisamment d'invraisemblances sans qu'il soit forcément judicieux d'y ajouter celles de l'époque moderne. Ainsi l'intrigue autour de la captivité et de la libération de Rosine du vieux barbon qui veut l'épouser n'est, au temps des yéyés, plus plausible. Après Mai 68, impossible d'emprisonner une jeune fille comme on pouvait le faire au XVIIIe siècle. A l'ère du stylo-bille comment entendre Don Bartolo s'informant auprès de Rosine du «pourquoi la plume est-elle encore mouillée» alors qu'il la soupçonne d'avoir envoyé un billet doux au Comte Almaviva alias Lindoro ? Détail ? Peut-être. Mais à force de ne pas respecter la lettre, on dérive vers le non-respect de l'œuvre. Il faut cependant reconnaître à la jeune metteur en scène un réel talent de la dérision, de la caricature et de la direction d'acteurs. Comme son Don Basilio en Elvis Presley enveloppé, sa Rosine en Catherine Deneuve ou le Docteur Bartolo en médecin-dentiste aux relents de Landru.

Mais faire rire aux éclats le public lorsque Rosine chante « Una voce poco » fa tout en s'épilant les jambes ne masque pas pour autant les limites vocales de . Sa voix qui pourtant enchantait dans la Cendrillon de Massenet tombe ici totalement à plat. Terne, sans relief ni couleurs, manquant d'agilité vocale, la mezzo-soprano suisse se retrouve dans un opéra dont elle ne possède ni la voix, ni l'esprit. Son tuteur Don Bartolo () est, lui aussi, vocalement décevant. La voix souvent engorgée, il n'a pas la légèreté qu'on attend d'une basse-bouffe chez Rossini. Cependant, ses formidables dons d'acteurs lui permettent des clowneries scéniques désopilantes qui font oublier ses lacunes vocales. La basse Ivaylo Ivanov (Don Basilio) possède un instrument vocal de belle qualité malheureusement desservi par une présence scénique presque inexistante gommant tout le comique du personnage. Très beau gosse, après un début vocalement quelque peu nasal, le ténor (Comte Almaviva) se révèle capable d'excellence. Acteur bondissant, il ne ménage pas son allant scénique allant jusqu'à chanter son air « Se il mio nome saper voi bramate » en exécutant une parodie fort réussie, de Gene Kelly et son fameux Singing in the Rain ! Dommage qu'avec une voix aussi typiquement rossinienne, il ne lui a pas été demandé de chanter l'air final du Comte, « Cessa di piu resistere ». Le bougre en avait largement les moyens ! Reste Figaro. Sociétaire du Stadttheater de Berne entre 2002 et 2004, le baryton vole depuis de ses propres ailes tout en restant fidèle au théâtre bernois. Ainsi, chaque année le théâtre bernois voit s'afficher (toujours avec bonheur) dans une de ses productions. Dans celle-ci, il s'empare de son personnage avec un entrain remarquable et si son premier air (« Largo al factotum ») n'a pas été le plus brillant que votre serviteur a pu entendre jusqu'ici, la suite de son interprétation s'est révélée d'un très haut niveau. La voix bien assurée, en superbe homme de théâtre, le baryton anglais affirme son talent avec force. Tout au plus regrettera-t-on qu'il n'ait pas su profiter de son instrument pour s'offrir plus de libertés vocales, ceci d'autant plus que cette comédie rossinienne se prête à l'excès.

Dans la fosse, le chef , toujours aussi attentif au plateau, dirige un Berner Symphonie-Orchester qui, même s'il est apparu désaccordé dans les premières mesures de l'ouverture, s'est révélé vif et bien dans l'esprit de la farce de Beaumarchais.

Crédit photographique : (Rosina) © Stadttheater/Philipp Zinniker

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Berne. Stadttheater. 26-IV-2004. Gioacchino Rossini (1792-1868) : Il Barbiere di Siviglia, opéra en deux actes sur un livret de Cesare Sterbini. Mise en scène : Mariame Clément. Décors et costumes : Julia Hansen. Avec : Claude Eichenberger, Rosina ; Alexandra Shenker, Berta ; Alexey Kudrya, Comte Almaviva ; Lionel Peintre, Dottore Bartolo ; Robin Adams, Figaro ; Ivaylo Ivanov, Don Basilio ; Renato Danelon, Ambrogio ; György Antalffy, un ufficiale. Chœur d’Hommes du Stadttheater Bern (chef de chœur : Lech-Rudolf Gorywoda). Berner Symphonieorchester, direction : Srboljub Dinić.

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