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À Genève, le belcanto oublié de Maria Stuarda

Après Anna Bolena l'an dernier, et avant Roberto Devereux au programme de l'an prochain, le Grand Théâtre de Genève offre son deuxième volet de la trilogie de autour des Tudor avec une Maria Stuarda aux effets contrastés.


Dans son excellent ouvrage « L'opéra – Mode d'emploi », Alain Perroux, notre ex-collègue journaliste aujourd'hui brillant directeur de l'Opéra national du Rhin décrit le belcanto comme « une esthétique qui prône un chant somptueux et imaginatif autour duquel tout le reste s'ordonne. » Or, à quoi est-on confronté dans cette production genevoise de Maria Stuarda de ? Principalement à une carence de ce qui fait le fondement du belcanto : la qualité du chant. Pour l'une des deux principales protagonistes, par inadaptation vocale à ce genre de chant et, pour l'autre, par manque de technique, voir d'élan artistique pour remplir les critères de l'opéra belcantiste. Pour pallier ces carences musicales, on se repose sur la mise en scène (), sur des décors () seyants de sous-bois feuillus, éclairés de belle manière (), sur des costumes recherchés pour qu'avec du coloré, du clinquant, du scandaleux, du vulgaire parfois, on goûte au plaisir des yeux dans l'espoir d'occulter celui des oreilles.

En mars 2005, le Grand Théâtre de Genève offrait ce même opéra dans une mise en scène d'Alain Garichot. Si on avait alors gaussé la platitude, voir la laideur, des décors, le metteur en scène français avait compris que le chant, le beau chant, était le seul méritant et que son apport à la réussite de ce spectacle ne pouvait être que dans la conduction psychologique des protagonistes, dans la direction d'acteurs. Il est vrai qu'avec Joyce Di Donato en Elisabetta et Gabriele Fontana dans le rôle-titre, la place était à l'évidence au belcanto.

Dans Maria Stuarda, comme dans Anna Bolena, et son librettiste ne se préoccupent guère de la vérité historique. L'important reste de concocter une belle musique, de beaux airs sous couvert d'un drame de la jalousie amoureuse. Si dans la réalité, Marie Stuart a comploté contre Elizabeth pour lui ravir sa couronne, ce qui lui vaudra d'être emprisonnée puis décapitée, le librettiste de Donizetti a corsé l'affaire en faisant de Roberto, Comte de Leicester, l'amant de la renégate en même temps que l'amour passionnel de la reine. Les deux femmes vont se confronter, s'insulter, se déchirer pour la possession de cet homme dans des envolées vocales propres à soulever un public avide de sensationnalisme vocal.


C'est malheureusement là où le bât blesse. Ainsi, voit-on une (Maria Stuarda) ayant bien du mal à soutenir son rôle. Avec une voix engorgée, sans couleurs, souvent en délicatesse avec le diapason, en manque d'agilité dans les vocalises, sans parler d'une diction défaillante, la mezzo soprano française est à la peine dans tous les registres. Dans une moindre mesure, la soprano Elsa Dreisig (Elisabetta) pâtit de faiblesse similaires. Quand bien même la projection vocale et la diction apparaissent à la hauteur de l'enjeu vocal de l'œuvre donizettienne, sa jolie voix ne suffit pas à porter le message belcantiste. Des notes sont courtes, des vocalises sans grandes envolées, manquant de volume – à chacune de ses interventions, le chef d'orchestre force l' à baisser considérablement son volume sonore pour ne pas couvrir la soprano – on sent chez la soprano un désir de bien faire alors qu'on attend d'une chanteuse engagée dans ce genre d'opéra qu'elle se sublime artistiquement au-delà de la simple exécution d'un air.

Parmi les autres rôles, le ténor (Roberto, Comte de Leicester), en rocker, s'efforce avec une voix aux aigus serrés, de paraître à la hauteur de son emploi. De leur côté, la basse (Giorgio Talbot, Comte de Shrewsbury) et le baryton (Lord Guglielmo Cecil) s'acquittent honnêtement de leur rôle avec, un beau moment de grâce vocale de ce dernier dans le duo d'entrée du troisième acte où la cohésion musicale entre le baryton, la soprano Elsa Dreisig et l'orchestre est parfaite. A noter la bonne prestation de la mezzo-soprano (Anna Kennedy).

Dans la fosse, l' est aux ordres du chef génois Andrea Sanguinetti attentif, comme nous l'avons vu plus haut, à ne jamais couvrir la voix des chanteuses. Ces parfois brusques variations de volume sonore de l'orchestre prétéritent la continuité musicale de l'œuvre et partant le dramatique de la composition de Donizetti. Fidèle à lui-même le est parfaitement en place tant scéniquement que vocalement.

Crédit photographique : © Monika Rittershaus

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