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Les Vêpres de Noël de Monteverdi dirigées par Andrea Marcon

Belle reconstitution d'une soirée de Vêpres de Noël, telle qu'on aurait pu y assister à Venise dans les premières années du XVIIᵉ siècle. Interprétation magistrale d' et des musiciens bâlois de l'ensemble La Cetra.

Le programme proposé par ce captivant album est une reconstitution de ce qu'aurait pu être, pour une veillée de Noël, une soirée musicale à la Basilique Saint-Marc à l'époque de Monteverdi. Il y était en effet d'usage, comme pour tout office célébrant les Vêpres, d'y entendre cinq psaumes encadrés par des antiennes et des pièces instrumentales, le tout s'achevant par un Magnificat en l'honneur de la Vierge Marie. Les choix opérés pour la circonstance, tous dictés par le respect de la liturgie de Noël et des pratiques en cours à cette époque, ont conduit à piocher dans la réserve que constitue le recueil des Selva morale e spirituale de 1641 et à entourer les pièces maîtresses de Monteverdi par des compositions dues à des musiciens contemporains, au nombre desquels figurent , , et Giovanni Valentini. Le résultat d'une telle fabrication, reconstituée à partir de la connaissance que l'on a aujourd'hui des pratiques musicales d'autrefois, est absolument somptueux, même s'il ne s'agit pas à proprement parler d'une restitution parfaitement authentique d'une soirée à Venise dans les premières décennies du XVIIᵉ siècle.

Parmi les morceaux qui se détachent de cette compilation, notons tout d'abord les pièces pour gros effectif dont le premier Dixit Dominus de Monteverdi, destiné à louer un Dieu généreux et protecteur, ou encore l'ensorcelant Beatus Vir avec ses rythmes enivrants, sans oublier le deuxième Laudate Pueri ou encore le somptueux Magnificat à huit voix à la riche texture architecturale. À chaque fois, Monteverdi montre sa maîtrise des masses vocales et instrumentales, tout en veillant à ce que le texte reste parfaitement intelligible. On distinguera également, parmi les pièces encadrantes, plusieurs pièces à deux voix dont l'angélique duo « Venite, sitientes, ad aquas Domini » de Monteverdi ou le « O felix, o lucidissima nox » de Grandi dans lequel soprano féminin et alto masculin dialoguent dans le plus grand raffinement. Tout aussi enthousiasmantes sont les pièces instrumentales, notamment celles qui font appel aux cuivres, à l'image de la Sonata a 8 de , ou encore la majorité des intermèdes pour orgue. Enregistré au musée Santa Caterina de Trévise, de manière à pouvoir bénéficier de l'instrument construit en 1998 par Francesco Zanin, le disque atteste toute la maîtrise d' et de ses musiciens bâlois dans le déploiement des contrastes sonores, dans les étagements des pupitres, dans le traitement des masses chorales et dans la part réservée aux solistes vocaux. Parmi ces derniers, on distinguera le contreténor chaud et vibrant de l'Espagnol , lequel sait parfaitement couler sa voix dans l'ensemble proposé par ses collègues. Tous ces musiciens, solistes vocaux et instrumentaux, sont superlatifs, et mériteraient amplement d'être nommés individuellement. Il s'agit là d'un enregistrement qui comptera dans la discographie monteverdienne, et dont l'écoute devrait enrichir de nombreuses soirées de Noël pour 2022, mais également pour toutes les années à venir.

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