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Une Flûte féerique à l’Opéra de Montpellier

Reprise de la production donnée en décembre 2021 à Nancy dans une distribution totalement remaniée, cette Flûte enchantée concilie habilement spectacle pour enfants et parcours initiatique.


« Objet caméléon » comme le décrit Benjamin François dans sa conférence d'avant-concert, la Flûte est à la fois un spectacle populaire, un conte philosophique, une romance sentimentale et une cérémonie maçonnique. Une œuvre à tiroirs. Sans rien occulter des autres aspects, c'est bien à un grand spectacle enchanté que nous convie la mise en scène d', en s'appuyant sur la féerie des décors et des costumes d' et qui nous transportent dans un monde proche du dessin animé. Le décor de carton-pâte, augmenté d'effets vidéo, représente tour à tour une forêt enchantée que dominent les tours du château de Sarastro, une inquiétante grotte peuplée de monstres maléfiques et l'intérieur rose et bleu d'un château-temple qui évoque plus la nurserie que la froide rigueur d'un espace sacré. L'utilisation des machineries renforce l'aspect féerique du spectacle : plus oiseau qu'oiseleur, Papageno descend des cintres en volant, et la Reine de la Nuit apparait suspendue au milieu d'un ciel étoilé. Nuages mouvants et éclairs lumineux participent à la magie du décor ; quant à la célèbre flûte remise à Tamino, elle tient plus de la baguette magique d'Harry Potter que d'un véritable instrument de musique. Ce parti-pris de spectacle féerique s'oppose radicalement à celui qu'avait adopté Robert Carsen pour ses représentations de 2022 à l'Opéra Bastille.


Dès l'ouverture, les trois accords entrecoupés de silences mettent un peu à mal la cohésion de l'Orchestre national Montpellier-Occitanie, qui se rattrape tout au long de l'œuvre en étant en parfait accord avec l'action du plateau, sous la direction précise de . La distribution vocale est homogène, à l'exception du Sarastro de la basse , qui peine à passer au-dessus de l'orchestre. Le ténor campe un Tamino convaincant, d'une belle présence scénique. Le ramage de , dans le rôle de Papageno, est à la hauteur de son plumage, et ses postures comiques sont très réussies. Belle présence aussi d' dans le beau rôle de Pamina, qui nous offre un Ach, ich fühls très émouvant. La Reine de la Nuit est magistralement campée du haut des cintres par , aux aigus impressionnants. Le trio comique des Trois dames, réunies par les paniers d'une même robe, est dominé par le registre lumineux de la soprano . Quant à dans le rôle de Papagena, on regrette seulement que son arrivée tardive dans le déroulement de l'action ne nous donne pas l'occasion de l'entendre plus ; son célèbre duo avec Papageno est un moment fort de la soirée. Autre grand moment, trop peu commenté : la parodie de choral luthérien chanté par les deux Hommes d'armes (issus du chœur) au milieu du deuxième acte, où l'on a l'impression que Mozart se prend soudain pour Bach. Le chœur de l'Opéra de Montpellier dans son ensemble est excellent, puissant et homogène. Et les interventions pleines d'humour des trois enfants, qui arrivent sur scène sur un toboggan, sont des pépites de légèreté au milieu du tourbillon des passions. A la fin de l'œuvre, une heureuse réconciliation générale réunit toute la troupe sur la scène et signe le triomphe du Bien. Une Flûte vraiment enchantée, pour le plus grand plaisir d'un public familial conquis.

Crédit photographique : © Marc Ginot

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