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Peter Grimes efficace et sensible à Augsbourg

Bel exemple de la vitalité de la scène lyrique en Allemagne, ce Peter Grimes est le meilleur des trois présentés la saison dernière en Bavière.


Dernier des trois théâtres nationaux de Bavière à avoir monté Peter Grimes au cours de l'année 2022, après Munich et Nuremberg, le théâtre d'Augsbourg est le plus petit des trois, mais c'est lui qui se tire le mieux d'une œuvre tout sauf facile. Depuis la fermeture soudaine de sa salle historique en 2017, il n'a pas la tâche facile : son domicile provisoire dans un ancien site industriel à l'écart du centre-ville offre des ressources scéniques très réduites, sans plus de dessous que de dessus, sans scène tournante ni dégagements ; le metteur en scène Dirk Schmeding s'accommode de ces limites pour proposer un spectacle simple, d'une grande lisibilité, mais pas sans efficacité théâtrale. Qui plus est, cette simplicité a aussi des vertus musicales : les scènes de foule au pub ou le dimanche matin virent souvent à la confusion sur scène, en partie il est vrai à cause du compositeur lui-même qui multiplie les voix du chœur et des solistes sur un accompagnement orchestral complexe. Ici, l'équilibre n'est jamais rompu, la ligne musicale reste lisible : c'est déjà beaucoup. Le chef , directeur musical de la maison depuis 2015, tient ses troupes, aussi bien l'orchestre que le chœur, et la comparaison avec d'autres productions de Peter Grimes montre bien que c'est déjà beaucoup.


La distribution, elle aussi, est à l'honneur de la maison. Le rôle titre est chanté par Richard (Ric) Furman, ténor prometteur qui semble se diriger vers les rôles les plus exigeants de Heldentenor ; avec sa barbe et ses cheveux longs, il ressemble ici à un Jésus baba cool, dont la violence n'en devient que plus incompréhensible, tout en le plaçant d'emblée en marge de la communauté. Ellen Orford est ici , l'étoile de la troupe augsbourgeoise dont elle fait partie depuis 2002 : elle y a interprété des dizaines de rôles, les uns faits pour elle (une remarquable Ariane à Naxos il y a quelques années), d'autres moins, mais avec une intelligence musicale et théâtrale qui lui permet de tirer le meilleur parti de sa voix, en trouvant toujours des solutions pour affronter avec probité chaque partition. Ici, on aimerait une voix un peu plus large, un peu plus onctueuse, mais elle sait au moins trouver l'émotion de son rôle, que la mise en scène décrit comme toute aussi seule, tout aussi en quête d'humanité, tout aussi souffrante que Peter. Wiard Withold en Balstrode, plus ami et pair de Grimes que grand aîné, est le plus marquant de la longue litanie des petits rôles, généralement présents et vocalement à l'aise, à quelques exceptions près : l'ensemble vient opportunément rappeler que la qualité d'une soirée n'est pas nécessairement proportionnelle à la renommée mondiale de la maison où elle a lieu.

Crédits photographiques : © Jan-Pieter Fuhr

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