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Esa-Pekka Salonen à l’honneur à la Philharmonie

La console de l'orgue Rieger de la Philharmonie de Paris est installée sur le plateau de la Grande salle Pierre Boulez pour la création française attendue de la Sinfonia concertante d' qui en assure la direction avec les forces de l' et le soliste .

En ouverture de soirée (est-ce vraiment leur place ?), les Symphonies d'instruments à vent de Stravinsky, écrites à la mémoire de Debussy, sont jouées dans le plein éclairage du plateau alors qu'une lumière plus discrète en aurait sans doute mieux servi l'atmosphère. L'interprétation très lissée, aux enchaînements presque trop fluides, qu'en donne , visent davantage une certaine virtuosité plus que la manière « âpre et violente » voulue par Stravinsky. Les sonorités de l'orchestre (le basson dans l'aigu de sa tessiture) sont exemplaires mais s'éloignent d'autant de « la cérémonie austère qui se déroule en courtes litanies » qu'appelait de ses vœux le compositeur.

En vedette ce soir, , épaulé par son assistant, s'installe à la console de l'orgue pour la création de la Sinfonia concertante d' dont le titre souligne d'emblée la distance prise avec le traditionnel concerto. L'œuvre en trois mouvements (vif, lent, vif) se réfère à différents modèles de l'histoire, danse de la Renaissance (Pavane) ou encore polyphonie médiévale, allégrement revisités par le compositeur. Pavanes et bourdons du premier mouvement, où l'errance mélodique est la règle, réservent quelques belles frictions entre les deux sources sonores, donnant à entendre l'aura scintillante des aigus de l'instrument. Ses solos alternent avec des tutti bruyants, pleins-jeux de l'orchestre et de l'orgue plus confus que véritablement mixés. Les grandes arabesques de l'orgue traversent l'espace symphonique dans Variations et chant funèbre, un deuxième mouvement fleurant les ressorts des logiciels de composition, spectaculaires mais sans réelle élévation. L'orgue sotto voce qui referme le mouvement est une saine compensation. Le troisième mouvement, Montage fantôme, est survolté, citant danses et chants du Moyen âge avant que ne résonne la version symphonique de l'Organum (polyphonie à quatre voix) de Pérotin (XIIᵉ siècle) et son empreinte rythmique bien reconnaissable. La citation fait valoir la virtuosité de l'organiste et la variété des registres de son instrument. Les dernières minutes réservent de belles envolées plus risquées, dans la torsion des deux sources instrumentales et l'embrasement de l'espace sonore, Salonen optant pour une fin « sur l'erre », comme on le dit d'un bateau qui continue à glisser sur l'eau après avoir couper son moteur. En bis, l'improvisation d'Olivier Latry explore une nouvelle fois la palette des sonorités et la puissance d'un instrument chauffé à blanc !

 

Après l'entracte, la partition de la Symphonie n°2 de est sur le pupitre mais Esa-Pekka Salonen semble diriger par cœur une œuvre qu'il connaît mieux que quiconque. Les cordes sont nerveuses, les bois acidulés à souhait et les cuivres somptueux dans un premier mouvement qui se déploie et respire très librement. Le récitatif orchestral dans l'Allegretto, tout comme l'éloquence des cordes dans l'Andante évoquent Tchaïkovski. Sibelius fait chanter les instruments de son orchestre (basson et cor anglais) et coupe court à tout développement, préférant cette dimension narrative restituée avec une admirable fluidité par le chef finlandais. Le Vivacissimo est quasi mendelssohnien sous sa conduite cursive, n'était ce chant populaire du hautbois qui tient lieu de trio. Le Finale (attacca) est une splendeur : trompettes hautes pour lancer le thème qui deviendra, à l'insu de Sibelius, une sorte d'hymne à la grandeur de la Finlande. Il sert de fil d'Ariane à ce vaste mouvement labyrinthique rythmé par ses résurgences périodiques dont Salonen nous communique la dimension visionnaire, tirant le meilleur d'un dont les sonorités s'élèvent très haut dans la Grande salle Pierre Boulez.

Crédit photographique : © Denis Allard

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