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Saisissantes Illuminations de Britten par Prohaska et Manacorda

Avec la , offre aussi un beau Hosokawa et une Pastorale surchargée.

Berlin n'est pas en manque d'orchestres, mais un tel programme montre bien qu'il y a de la place pour d'autres ensembles et d'autres chefs que les vedettes internationales. La n'est certes pas rigoureusement berlinoise (Potsdam, à une trentaine de kilomètres du cœur de Berlin, est à la fois la grande banlieue de la capitale et le chef-lieu du Land de Brandebourg qui entoure Berlin), mais elle participe incontestablement à son rayonnement culturel, ici dans le cadre intime de la Boulez saal. Le programme se termine certes par un tube du répertoire, mais il n'en est pas moins uni par une thématique affirmée, musique et nature – on pourrait plutôt parler de visions de la nature, tant l'œuvre centrale est éloignée d'une description factuelle de la nature.

Le concert commence donc par Blossoming II de , en sa présence, œuvre contemplative qui s'intéresse à la fleur qui se déploie, mais aussi à toute la plante qu'elle couronne, depuis les racines qui l'ancrent dans le sol, en passant par la structure mouvante qui les relie – le lotus, à la fois aquatique et aérien, flottant et ancré, est particulièrement symbolique pour Hosokawa. Le grand ensemble qu'il convoque pour cette œuvre de 2011 est mis au service de la délicatesse de contours estompés, et donne une belle première impression de l'ensemble dirigé par .

Les Illuminations de Britten viennent ensuite, à un égal niveau d'inspiration musicale. La soliste, , fait un réel effort de diction, presque sans fautes, mais l'intelligibilité souffre dans les passages les plus rapides ; ce défaut est cependant compensé par la force évocatrice de son interprétation, l'humour fantastique de Parade par exemple, avec comme une gourmandise du texte, tandis que Villes déploie un vaste paysage rêvé qui a toute la force démiurgique des mots de Rimbaud. Pourtant, on admirera peut-être plus encore le travail du chef et de ses instrumentistes sur les couleurs et les textures des cordes – on en viendrait presque parfois à chercher où sont donc ces vents dont les sonorités semblent surgir des archets. L'œuvre de Britten est admirable et trop rare : l'entendre dans ces conditions est une fête.

Beethoven, pour finir, ne bénéficie pas d'un traitement aussi favorable. se place avec énergie dans une perspective d'interprétation historiquement informée, avec des cuivres d'époque, mais il le fait sans nuances, si bien que l'énergie et les tempi vifs qu'il choisit nuisent cruellement à la clarté du discours. Il peut certainement y avoir du sens par moments à renforcer l'accompagnement pour corser le discours musical, mais cela aboutit souvent ici à une confusion, où il n'y a plus aucune profondeur sonore, comme si un grondement de contrebasse avait autant de droits à se faire distinctement entendre qu'un solo de hautbois ou de flûte. Dans le premier mouvement, la recherche de fluidité est telle que chaque motif devient coulant, sans aspérité, à l'exact opposé de ce que Manacorda semble rechercher. L'orchestre conserve ses qualités, mais on préférera nettement en rester au souvenir de la première partie.

Crédits photographiques : © Nikolaj Lund

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