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Les deux dernières symphonies de Widor par Pierre Labric à Saint-Ouen de Rouen

La suite de l'intégrale des Symphonies pour orgue de se poursuit avec un deuxième volume consacré aux n° 9 et n° 10. Ces deux monuments sont interprétés de manière lumineuse par , alors au sommet de son art et fidèle à l'orgue de l'abbatiale de Saint-Ouen de Rouen.

Il y a quelques mois le label FY & Solstice publiaient les Symphonies n° 5 et n° 6 par le même interprète et sur le même orgue. En effet en juillet 1971, dans des conditions d'enregistrement digne du « Live », gravait les 10 symphonies de Widor pour un petit label local Teleson. Miraculeusement retrouvées il y a peu, les bandes-mères permettent désormais de publier ces œuvres dans un son très convenable qui respecte la musique, ce qui n'était pas le cas de l'édition vinyle originale, au rendu assez catastrophique.

Pour qui connait le style de Widor à l'orgue, l'écoute de ces deux symphonies peut surprendre. En effet ces deux ultimes Symphonies tranchent sensiblement par rapport à tout ce qu'il avait écrit auparavant pour cet instrument, délaissant le côté virtuose, profane et pianistique pour une approche intériorisée introduisant une dimension sacrée avec l'utilisation de thèmes issus du grégorien. On peut observer une démarche telle que Liszt l'avait faite à la fin de sa vie se tournant vers une écriture plus mystique.

La Symphonie n° 9 « Gothique » est dédiée à l'abbatiale Saint-Ouen de Rouen qui renferme l'orgue prestigieux de Cavaillé-Coll sur lequel Widor joua en création cette œuvre en avril 1895. Faite de quatre mouvements, dont le premier Moderato recrée l'ambiance magique de cette immense nef gothique de Saint-Ouen, le second étant une merveilleuse méditation Andante sostenuto sur les flûtes harmoniques qui se répandent généreusement dans la large acoustique du lieu. Le troisième mouvement est un fugato Allegro sur les plein-jeux et les cornets. Le thème Puer natus est, avec ses variations, termine la symphonie dans le calme et la sérénité.

La Symphonie n° 10 « Romane » est pour sa part dédiée à la Basilique Saint-Sernin de Toulouse renfermant elle aussi un instrument prestigieux de Cavaillé-Coll. Widor termine cette œuvre à Lyon en 1899. Le compositeur ne créa pas la Romane à Toulouse mais à Berlin lors d'un concert au sein d'une tournée en Allemagne. Elle a pour thème emblématique le « Haec dies » de Pâques. Il est entonné en gloire dès les premières notes de la symphonie. Suit un Choral où le thème pascal est varié avant que le mouvement suivant Cantilène ne mêle pas moins de cinq mélodies liées à cette fête liturgique. Il y a dans le Final un retour à la guirlande initiale de l'œuvre et tout comme dans la Gothique, cette composition s'achève dans l'intériorité la plus totale.

Fidèle à lui-même nous présente ces pièces de manière spontanée comme si elles sortaient du concert. Il utilise l'orgue à sa manière, avec des mélanges clairs et bien ciselés. La musique y gagne en clarté et le côté orchestral est exalté. Les tempi sont alertes, Pierre Labric ne se laisse pas impressionner par le côté introspectif de la musique, il garde une prestance et une superbe tout au long de ses pages, héritées de sa professeure Jeanne Demessieux.

Après ces deux premiers volumes, on attend que soit restituée la totalité des symphonies dans cette interprétation qui aura marqué durablement la discographie de ces œuvres.

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