- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Voyage intime avec Sandrine Piau et David Kadouch

Dans un programme savamment concocté, et nous emmènent au cœur de leur voyage intime. Une invitation qui ne laissera personne au bord du chemin, et qui suscitera mille émotions.

On notera pour commencer la pertinence d'un programme parfaitement équilibré. Une partie allemande, suivie d'une partie française. Un Liszt pour commencer, un Liszt pour finir. Un morceau instrumental au milieu de première partie, un autre pour la deuxième. Une compositrice allemande, , et une compositrice française, , toutes deux intercalées dans un programme essentiellement « masculin ». Et que l'on ne s'imagine pas que le « voyage intime » auquel nous sommes conviés sera un voyage de tout repos. La mort nous guette à chaque instant, et l'enfance et l'innocence bafouées semblent en être le fil conducteur : les lieder de Mignon, dans la version Schubert, mais aussi l'enfant détourné de « Erlkönig » le « Fischerknabe » de Liszt englouti dans les eaux de lac, le naufrage causé par la « Lorelei » dans la version de , l'ambiguïté des poèmes de Francis Jammes mis en musique par . Plus qu'un voyage, une exploration intérieure des tréfonds de l'âme, une errance entre la vie et la mort où règnent la mélancolie, le désir, le rêve et la nostalgie. La thématique de l'ailleurs rêvé et idéalisé ressort le plus fortement au moment où les deux parties se rejoignent, quand « L'Invitation au voyage » de Duparc répond au « Kennst du das Land » de Schubert. Du grand art, chapeau bas aux programmateurs ! On s'étonne cependant de ne pas entendre « Nur wer die Sehnsucht kennt » de Schubert, qui aurait complété le cycle Mignon, et l'on ne se serait pas plaint d'avoir au complet les Cinq poèmes de Baudelaire, plutôt que les trois qui nous sont proposés ici. On rêverait d'entendre l'intégralité des Clairières dans le ciel de .

L'interprétation, on s'y attendait un peu, est proche de l'idéal, les mille couleurs et la dynamique du chant de trouvant leur parfait équivalent dans la piano subtil et détaillé de . Les deux musiciens savent également donner dans le dramatique et le théâtral quand il le faut, comme le montrent la fin haletante de « Erlkönig » ou le climat glacial dont est empreint « Der Tod and das Mädchen ». Notons que Piau possède en outre le grave sépulcral qui échappe parfois à certaines mezzos, lesquelles préfèrent éviter de se risquer dans la note extrême sur laquelle se clôt la mélodie. La partie française donne encore plus de bonheur, avec ce climat fin-de-siècle qui caractérise si bien la musique Debussy et qui annoncerait presque l'amertume désabusée que l'on décèle dans le cycle Clairières dans le ciel de Lili Boulanger. Dans ces pages, où la théâtralité n'est plus de mise, la ductilité de la voix, le charme et la fraîcheur du timbre de font tout simplement merveille, tant l'instrument fait corps avec le piano parfaitement maîtrisé de . Un disque dont on ne pourra pas se lasser, une suite s'impose !

(Visited 470 times, 1 visits today)