Soirée d'ouverture du festival Séquence danse au Centquatre Paris avec trois spectacles, dont deux israéliens, mettant en scène de jeunes danseurs. Une triple bouffée d'énergie et de virtuosité.
La jeune Israélienne Nina Traub a conçu Faintings, un trio furieux sur fond vert qui ouvre cette nouvelle édition du festival Séquence danse. La toile de fond et le petit kiosque qui abrite la musicienne forment les contours d'une nature civilisée et rayonnante. Les trois jeunes danseuses, coiffées de perruques de longs cheveux verts, se lancent dans un unisson de danse rituelles qui nous projettent dans un futur déshumanisé et dépersonnalisé. Soldates de l'environnement ou sirènes embrigadées, les jeunes femmes dupliquent leurs mouvements dans une chorégraphie assez mécanique, parfois inspiré de postures de Pilates ou à l'esthétique militaire. Il y a une dimension angoissante dans cet enfer vert où vivent trois Walkyries combattantes et déterminées.
Leïla Ka a remporté avec Bouffées le concours Danse Elargie et le propose à nouveau à l'occasion de Séquence danse dans un double programme. Ce quintette sur le deuil et le chagrin s'appuie sur l'iconographie et les postures de lamentation des pleureuses. Au ralenti, puis de plus en plus vite, ces gestes qui témoignent de l'expression du chagrin se font mécaniques, haletants, fiévreux. Avec une belle économie de moyens et un sens acéré du rythme, Leïla Ka livre une frise féminine qui évoque toutes les peines du monde. Le choix pour les costumes de longues robes fleuries un peu démodées renvoie aux religions rigoristes où la modestie est de mise pour les femmes.
Créée en 2020, C'est toi qu'on adorait est un duo qui s'est transformé en quintette. Même engagement physique et même combativité pour ce quintette inspiré des arts martiaux dans un unisson saisissant, entrecoupé d'une phrase répétée au clavecin solo, la Sarabande de Haendel qui forme le thème musical du film Barry Lyndon de Stanley Kubrick. La brutalité de la danse, les chutes, rappellent les chorégraphes belges ou canadiens des années 90. Mais Leïla Ka apporte douceur et subtilité à cette expression martiale. À la fin, les danseuses reprennent les gestes de Bouffées sur la bande originale de Barry Lyndon, faisant surgir l'émotion et l'inquiétude.
Physicalité et douceur aussi pour Suzanne, la nouvelle pièce d'Emanuel Gat pour le Inbal Dance Theater. Une pièce pour huit danseurs sur la chanson Suzanne de Leonard Cohen, chantée par Nina Simone lors du concert qu'elle donna au Philharmonic Hall de New-York en 1969. Cette chanteuse de jazz susurrant une chanson folk est à l'image du métissage que pratique Emanuel Gat dans ses spectacles entre musique et danse, Orient et Occident. Le dispositif est plus simple que celui que le chorégraphe israélien installé en France conçoit pour sa propre compagnie, mais comme dans Sunny et LoveTrain2020, la danse est jubilatoire.
Dans une danse souple, élastique, le spectacle suit les changements de rythme du concert, il s'adapte aux couleurs de ses chansons, jusqu'à la célèbre Suzanne, pour un octuor fluide, inspiré et d'une grande subtilité. Libre et fascinant.