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La Fabrique du Théâtre du Capitole : les ateliers du rêve

Même si le visiteur fait face à plusieurs décors et accessoires plus spectaculaires les uns que les autres, la nouvelle exposition dédiée aux ateliers de l’Opéra national du Capitole est riche de détails tout aussi exaltants.

Mettant en lumière le travail des artisans de l’ombre, c’est tout naturellement que l’exposition « La Fabrique de l’Opéra du Capitole » s’est installée pendant 27 ans après l’effondrement d’une partie du toit de l’Opéra du Capitole, suite à de fortes chutes de neige en 1954. Les ateliers de l’Opéra déménagèrent par la suite aux Halles Amouroux, puis en 2013 sur le site de Montaudran où les trois ateliers d’artisanat d’art travaillent encore aujourd’hui pour les décors, les costumes et les perruques.

La magie de l’opéra y est flagrante dès le début de la visite, le sens du spectacle de la scène lyrique toulousaine étant retranscrite parfaitement dans la scénographie de ce parcours découpé en actes et en scènes, comprenant même une ouverture. L’intérêt du spectateur est alimenté tout au long de sa découverte par la présentation de pièces composant les dernières grandes productions de la maison à commencer par l’Ariane à Naxos sous le regard de Michel Fau en 2019. Le souvenir des productions pour le visiteur qui les a vues est évidemment appréciable même si l’impact des pièces suffit pour briller de tout leur éclat dans le regard d’un visiteur non averti. A chaque étape majestueuse, la scénographie joue sur les éléments habituels de la scène et de la fosse, les présentoirs étant régulièrement les pupitres de l’orchestre.

Avec L’acte I intitulé « Imaginer et Concevoir » nous voici pour cette première étape dans le bureau de la direction artistique avec les différents acteurs d’une production (metteur en scène, scénographe, interprètes). Les notions de nouvelles productions, co-productions et reprises sont expliquées, tout comme les liens entre la direction artistique, la direction technique et la direction de production. On y découvre également sur une table de dessin différentes maquettes à l’origine d’un projet (les mises en scène d’Hamlet (1999), Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg (2002) et Le Couronnement de Poppée (2006) par Nicolas Joël ; ou celle de Lulu par Pet Halmen en 2001 ; et encore plus récemment La Traviata de Pierre Rambert en 2018), permettant de réfléchir aux contraintes techniques et évaluer les possibilités de transformer ce modèle en décor grandeur nature.

Mais l’ exposition devient encore plus intéressante lorsqu’elle met en regard ces différents éléments avec les outils qui en permettent leur réalisation. Se mêlent donc sur les différentes tables de travail le prototype pour les mains géantes de Rusalka (Stefano Poda, 2022), la maquette  du crâne pour Faust (Pet Halmen, 2007), la règle « Kutch » avec des graduations correspondant à différentes échelles permettant de lire directement les longueurs sur un plan ou une carte, tout comme les plans d’études sur un écran d’ordinateur réalisés par le bureau d’études.

Consacré aux décors, l’acte II présente les étapes de fabrication, de la remise de la maquette, au moins un an avant le spectacle, au montage du décor sur scène finalisant les tests de montage. Entre ces étapes la réalisation des plans de construction et la commande des matières premières se fait selon deux critères principaux : la solidité et la légèreté ; la confection des structures en métal et en bois, squelette du décor sur lesquels les différents éléments sont assemblés ; et enfin la fabrication des éléments en matériaux composites, la sculpture et les travaux de peinture. Chaque scène est consacrée aux différents corps de métiers : la serrurerie (scène 2) ; la menuiserie (scène 3) ; la sculpture (scène 4) ; et la peinture (scène 5). On y trouve même le tirage test pour la prochaine production prévue ce mois-ci, Le viol de Lucrèce par Anne Delbée, est même dévoilé pour les plus impatients.

La scénographie de l’acte III dédiée aux costumes, est digne des plus grandes expositions présentées au Centre national du costume de scène de Moulins se succèdent : scène 1 : l’atelier ; scène 2 : le tailleur pour les costumes masculins ; scène 3 : le flou pour les costumes féminins ; scène 4 : le stretch pour les danseuses et danseurs du Ballet ; scène 5 : le déco costume, révélant les différentes techniques et outils nécessaires à la réalisation des 500 costumes en moyenne confectionnés chaque année par les artisans toulousains. Des petites affichettes présentent sur les tables de travail savamment composées, la spécificité des aiguilles et tissu stretch, celles de la courbe de tailleur et du perroquet, des fixes chaussettes (!), de l’arrondisseur d’ourlet, ou encore des ciseaux cranteurs ou du papier carbone pour ne citer que ceux-là. L’apothéose de cet acte est dans la présentation de l’élaboration du merveilleux costume du prince de Rusalka créé par le costumier Stefano Poda. Un ouvrage qui a nécessité 2 heures de recherche, 14 heures de prototypage, 35 heures de montage et 35 heures de patine. Les outils nécessaires, le tissu imprimé selon le tableau de Gustave Moreau, Jupiter et Sémélé, les différents échantillons et décorations, y sont exposés. On s’émerveille des nombreux détails du costume.

Perruques, bijoux et maquillage (acte IV), sont loin d’être délaissés sous le regard des bébés géants de Nicolas Joël pour L’Or du Rhin, l’Opéra du Capitole abritant l’un des derniers ateliers de perruque et maquillage de France (avec l’Opéra du Rhin et l’Opéra de Paris). L’atelier réalise également les bijoux de cheveux, les couvre-chefs et parfois même les colliers et les ceintures. La coiffure à travers le temps y est donc expliquée, tout comme les prothèses et autres effets spéciaux exploités à l’opéra, la conception d’une perruque nécessitant 40 à 60 heures de travail en moyenne. Telle la caverne d’Ali baba, la multitude de pièces présentées ne peuvent qu’enchanter, le visiteur s’attardant selon ses goûts, sur l’une ou l’autre avec à chaque fois, des explications précises.

Cinq personnes, supervisées par la cheffe accessoiriste, assurent l’approvisionnement et la gestion des accessoires du Théâtre du Capitole. Dans ce cinquième acte, on retiendra particulièrement la fausse nourriture de la table gargantuesque d’Otello (Nicolas Joël, 2001), le casque de moto exubérant tout en miroirs et en piquants, ainsi que le faux miroir pour éviter tout reflet intempestif lors d’une représentation.

Agrémentée de fauteuils imposants pour vivre « la vie d’artiste rien qu’un instant », et d’une projection vidéo pour voir sur scène les différentes pièces exposées, cette nouvelle exposition, qui ouvre ce printemps comme le nouvel espace « Scène » du CNCS de Moulins, est à la fois ludique, précise et foisonnante.

Crédits photographiques : © Charlotte Saulneron / ResMusica

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