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Giulio Cesare de Haendel ou bien un nouveau Bartoli show ?

Très belle distribution à Luxembourg pour une représentation manquant un rien d'authenticité musicale. Les inconditionnels de la diva romaine resteront cependant aux anges.


Le nom de Haendel ne figure pas sur la page de titre du programme distribué en salle, juste en tout petit à la page 5. L'unique entracte démarre à l'issue du « V'adoro pupille » de Cléopâtre du début du deuxième acte, au mépris de toute cohérence et continuité dramatiques. Deux personnages, Curio et Nireno, disparaissent de l'affiche, même si celui de Curio reste curieusement mentionné dans le texte. Coupures et déplacements divers complètent une entreprise de détournement visiblement destinée à transformer un des plus beaux chefs d'œuvre du répertoire baroque en un nouvel écrin pour l'une des chanteuses les plus fascinantes de notre génération. S'en plaindrait-on ? Non, apparemment, puisque le public réserve le plus bel accueil à l'une de ses divas préférées. Ovation debout à peine la dernière note de l'ouvrage entendue. Dans un rôle dont elle souligne de façon quelque peu exagérée la composante comique, Bartoli bartolise à qui mieux mieux. Grimaces, mimiques, clins d'œil, œillades et autres minauderies pour ce qui concerne la partie dramatique. Vocalement, l'instrument met du temps à se chauffer. La deuxième partie de l'opéra réserve cependant quelques beaux moments, même si le legato de « Se pietà » n'a plus le crémeux qu'il avait encore il y a quelques années. Un « Piangerò » exemplaire, en revanche, en termes de nuances et de coloration, pour ne rien dire d'un « Da tempeste » littéralement enthousiasmant. Contrat rempli ! La Bartoli pourra revenir l'année prochaine.

L'équipe réunie autour de la diva romaine est de la plus belle eau. Parmi les valeurs sûres, bien connues du public baroqueux depuis des lustres, on comptera la belle et émouvante Cornelia de la toujours très crédible , ainsi que la présence en Tolomeo de en personne. Acteur consommé, chanteur expérimenté, il ne fait qu'une bouchée d'un rôle faussement dit secondaire, et qui lui va comme un gant. Chez les jeunes recrues, on saluera la superbe voix de basse du Bolivien , très à l'aise dans la vocalisation haendélienne, ainsi que le tempérament fougueux et ardent et du Sud-Coréen , dont le métal vocal sied particulièrement à Sesto, dont le chanteur fait un personnage d'adolescent rebelle et indigné. Vocalement, la plus belle prestation est incontestablement celle du contreténor italien , même si ce dernier se voit obligé de poitriner excessivement certains de ses graves. Virtuose dans la vocalise véloce comme dans l'utilisation de la mezza voce, attentif au texte et à la coloration, il s'impose comme l'un des meilleurs titulaires d'un des rôles les plus difficiles du répertoire baroque. Son « Se in fiorito ameno prato », accompagné du violon de , compte parmi les plus beaux jamais entendus. C'est sur cet air qu'il aurait fallu finir la première partie. On sera un peu moins clément envers la direction de , à la tête des Musiciens du Prince-Monaco. Quelques tempi un rien précipités ou effets tonitruants dans certaines reprises viennent rompre la fluidité du discours musical, même si l'on reste sensible au souci de créer un climat dramatique destiné à souligner les heurts et les aspérités de l'action. Belle soirée en définitive, même si l'on regrette que le show l'ait un peu emporté sur l'authenticité de la restitution musicale.

Crédit photographique : Cecila Bartoli © Uli Weber

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