- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Les Tallis Scholars et l’Ensemble Clematis lancent avec ferveur et panache le festival de Namur 2025

Le festival Musical de Namur, pour son week-end inaugural, nous propose une exploration des répertoires vocaux anciens pour le moins contrastée.

Les Tallis Scholars splendides dans Palestrina et Lassus

2025 marque le cinq-centième anniversaire de la naissance de , figure emblématique du répertoire polyphonique renaissant. et  ses Tallis Scholars remettent sur le métier à cette occasion un répertoire qu'ils ont déjà magnifiquement illustré au disque il y a plus de trente ans.

Malgré les changements d'effectif inévitables au gré d'un demi-siècle d'existence, l'ensemble a conservé son identité sonore si typique : pureté très british des voix, absolue perfection d'intonation, équilibre parfait entre pupitres, transparence de la trame polyphonique, précision rythmique, optimale articulation agogique sont au rendez-vous. L'expression demeure toujours fervente et modulable. pouvant passer de la désolation prostrée à la contagieuse jubilation.

En première partie nous est proposée la monumentale Missa super ut re mi fa sol la à six voix de Palestrina, libre fantaisie spirituelle sur l'Hexacorde. Cette donne élémentaire est quasiment le seul motif confié au pupitre de secondes soprani, du Kyrie liminaire au Dona nobis pacem final, et innerve souterrainement toutes les voix. Mais par les prodiges de l'écriture, ce motif n'est pas toujours perceptible à l'oreille, de par son enfouissement au sein d'une polyphonie savante et imaginative. Nos interprètes en magnifient la portée expressive par une plénitude sonore souvent flamboyante (brillantissime Gloria, ou exaltant Sanctus) mais jouent ci et là la carte de l'intimisme au gré du Credo (le Cruxifixus), du Benedictus (distribués tous deux en quatuor soliste ) ou encore de l'ineffable et planant Agnus Dei conclusif.

Après l'entracte nous propose quelques motets du maître romain et de son contemporain Lassus : du premier le festif et vespéral Laudate Pueri à huit et le Tu es Petrus, à six, sont magnifiés avec conviction par nos interprètes, et encadrent en total contraste trois pages plus pénitentes où les deux maîtres rivalisent d'imagination dans une veine bien plus élégiaque : le Media Vita à six du montois se veut évocation de notre triste sort d'humble mortel, là où le Tribulationes civitatum très introverti du Romain évoque la détresse des cités abandonnées à la peur et à l'hébétude : les Tallis Scholars en exaltent les contours mélancoliques et les entrelacs harmoniques avec une délectation contrite. Le sommet absolu de ce concert demeure toutefois le doloriste Timor et Tremor de Lassus, livré de manière cinglante et sublime, au gré de ses madrigalismes surprenants et de son écriture harmonique et rythmique alambiquée.

En bis, le baroque Cruxifixus à huit d', aux dissonances poignantes, permet aux interprètes de prendre congé de manière assez inattendue d'un auditoire subjugué.

L'ensemble Clématis  à la découverte des cantates sacrées de

Clématis, fondé par la violoniste belge , a fait paraître dernièrement chez Ricercar un formidable disque consacré à la musique instrumentale de David Pohle (clef ResMusica). Ce dimanche nous est proposé une sélection de cantates du même maître quasi inconnu en la somptueuse église namuroise Saint-Loup.

Pohle est une attachante figure du baroque nordique allemand ayant étudié à Dresde auprès de Schütz. Au gré d'une carrière instable, on le retrouve à Kassel ou à Halle. Ses œuvres n'ont, hélas, bénéficié d'aucune édition imprimée, et la majeure partie  de sa production vocale semble irrémédiablement perdue. Seule une trentaine d'œuvres sacrées nous sont parvenues, sur des textes allemands ou latins, destinées au culte luthérien.

Sont réunies six œuvres de dimensions variables. Certaines, tels le bref Benedicam Domino, ou la cantate plus festive Ihr Völker bringet her, écrite en trio, tiennent plutôt du petit concert spirituel. Par contre l'émouvant Miserere mei deus ou le Domine Ostende mihi, poignant par son appel à la Paix, sont destinés à un effectif bien plus étoffé (dix parties réelles), faisant alterner passages polyphoniques ouvragés et interventions solistes plus rhétoriques. Les sommets de ce programme demeurent le litanique Domine quis habitabit dramatiquement strophique, et plus encore l'émouvant et poétique Jesu meine freude.

Ces partitions très piétistes sont superbement servies par cinq excellents solistes du chant.
, souvent associée aux productions du Chœur de Chambre de Namur, ou de Correspondances, s'avère par son timbre fruité et angélique une digne héritière de Greta de Reyghere – dont elle fut l'élève. Citons également la mezzo belge à la voix pulpeuse et expressive, le contre-ténor français , au grain agréablement corsé, le ténor américain , superbe de souple autorité, et la basse Philppe Favette, pilier bien connu du Chœur de Chambre de Namur, parfait de conviction et d'expression.

L'Ensemble Clématis donne une réplique aussi idéale de ton et de sonorité. Les couleurs de l'ensemble instrumental sont à dessein sombres – avec ces trois altos obligés pimentés par le poétique basson d'Evolène Kiener. L'attentif et inspiré assume depuis le clavecin la direction de l'ensemble. Mais il convient enfin de saluer la prestation de l'organiste qui assure au sein de l'ensemble à l'orgue positif une bonne part du continuo. Mais elle gagne aussi par trois fois la tribune pour faire somptueusement résonner l'orgue Thomas (2023)  d'inspiration baroque allemande nordique pour quelques intermèdes de choix signés , (le virtuose choral Herr Gott, dich loben wir) ou surtout (le splendide Prélude en mi mineur), donnés avec une ardente éloquence et une flamboyante virtuosité.

Credits photographiques © Grand Manège Namur concert-hall et  Festival Musical de Namur

(Visited 103 times, 1 visits today)
Partager