Avec Lambert Wilson et Amira Casar, la Maison de la Radio reprend Le Roi David d'Honneger dans sa version originale de musique de scène, plutôt que celle d'oratorio, au risque de perturber par la supériorité des choristes sur les instrumentistes, et par des incursions d'une pièce de Louati composée pour l'occasion.
Relativement connu par sa version oratorio de 1923 pour grand orchestre et chœur, Le Roi David est créé à la demande de René Morax pour accompagner son texte au Théâtre du Jorat de Mézières, en Suisse, dans une configuration spécifique : situé non loin de Lausanne, ce théâtre populaire agrège tous les participants du lieu et possède donc beaucoup plus de choristes (une centaine) que d'instrumentistes (dix-sept).
Auparavant dévolues au bien oublié Gustave Doret, les musiques des drames précédents de Morax laissaient plus de temps à la composition. Déjà occupé en 1921, Doret refuse donc ce nouveau projet, et il faut trouver une autre solution en urgence. Venue d'Ansermet, l'issue trouve forme en la personne d'un jeune et prometteur compositeur du nom d'Arthur Honegger. À l'aube de ses trente ans, celui qui vient d'intégrer le Groupe des Six accepte la mission, avec les contraintes d'effectifs imposées. Car si la version pour orchestre reste relativement connue, enregistrée par de grands noms comme Dutoit ou Corboz (ce dernier déjà avec un certain Lambert Wilson pour récitant), la version plus délicate reprise aujourd'hui à l'Auditorium de la Maison de la Radio est très rarement redonnée, comme en 2009 avec le Philharmonique de Radio France. C'est donc tout à l'honneur des programmateurs de Radio France d'avoir osé ce pari, mais quitte à prendre deux acteurs aussi connus que Lambert Wilson et Amira Casar, pourquoi ne pas avoir alors reproposé une véritable mise en situation du drame biblique ?
Resserré sur le devant de la scène, l'ensemble Les Apaches ! enfermé par la masse du Chœur de Radio France se retrouve souvent noyé, malgré l'ajout de la contrebasse en plus du violoncelle, là où le choix est normalement laissé ad libitum pour l'un ou l'autre du seul instrument à cordes prévu par la partition. Et plutôt qu'être conduit par son directeur musical et fondateur Julien Masmondet (présent dans le public), l'ensemble est dirigé par le chef du chœur, Lionel Sow, très lent dans les tempi et d'une gestuelle plus adaptée à un ensemble de chanteurs qu'à dynamiser des instrumentistes. À cette lenteur et une façon souvent trop lyrique d'aborder le chant, malgré quelques moments superbes comme le merveilleux Psaume « Je t'aimerai, Seigneur, d'un amour tendre » en 3ème partie, s'intègrent de nouvelles parties dues à la plume du compositeur Othman Louati.
Louati, dont l'Athénée donne cette saison son récent opéra Les Ailes du Désir d'après Wim Wenders, ne semble pas plus très inspiré par le projet que Doret auparavant, les incisions engendrées par sa pièce titrée Sanctuaires paraissant même parfois moins modernes que la partition originale d'Honegger. Alors, il reste à s'intéresser comme nous l'avons dit plus haut à certaines parties de chant, dont celle du touchant David de Guillaume Redt-Zimmer, jeune chanteur de la Maîtrise de Radio France, d'une blondeur idoine pour s'accorder au texte. Tous trois de l'Académie de l'Opéra de Paris, les solistes permettent à la soprano Marianne Croux, puissante à l'aigu et très vive dans son Cantique de fête, de prendre la première place devant l'alto Cornelia Oncioiu, meilleure dans ses dernières interventions.
Le ténor Yu Shao complète cette distribution par un chant là aussi plus lyrique qu'adapté à une lecture biblique. À l'inverse, Lambert Wilson a muri depuis la version enregistrée il y a plus de trente ans ; il expose à présent ses qualités de récitant avec une sobriété nouvelle. Pour son Incantation, Amira Casar déploie tous ses talents d'actrice et offre l'un des meilleurs moments de la représentation, intéressante également pour redécouvrir en live les agencements d'Honegger face à un ensemble composé de beaucoup de vents, d'un piano, d'un harmonium et d'un célesta, en plus de plusieurs percussions.