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Découverte baroque avec Adriano in Siria de Carl Heinrich Graun

Après l'enregistrement de la mise en musique de Pergolesi et de Veracini, voici la version par Graun d'un des plus beaux livrets de Metastasio. Délices baroques servies par une distribution de choix, une découverte dirigée par la talentueuse

Initialement écrit en 1732 pour Caldara, le livret de Metastasio Adriano in Siria, fut ensuite mis en musique par une soixantaine de compositeurs, et non des moindres. Après Giacomelli, Pergolesi, Broschi et quelques autres, fut ainsi le dix-septième musicien de renom à s'attaquer à ce texte apprécié autant pour sa logique dramatique que pour l'intensité de sa poétique. Sur un modèle désormais bien éprouvé, familier des mélomanes férus d'opéra baroque, raison et passions s'affrontent au long de trois actes qui voient, au terme de diverses vicissitudes, triompher le retour de l'ordre politique et de la rationalité amoureuse. Composé pour Berlin où Graun était fort apprécié du roi Frédéric II de Prusse, Adriano in Siria représente ce style musical si particulier encore très influencé par l'écriture contrapuntique à l'allemande, héritée des prédécesseurs Reinhard Keiser à Hambourg et Johann Adolf Hasse à Dresde, et déjà tourné vers une écriture plus mozartienne nourrie du socle napolitain qui informe également le talent mélodique dont Graun avait le secret. Dans ses choix d'orchestration, dans son traitement de la mélodie et dans la dynamique qu'il sait insuffler à sa musique, le compositeur saxon s'affirme comme un des maillons manquants entre les différentes tendances ainsi relevées. Ne serait-ce que pour cela, le présent enregistrement constitue un petit événement. Lui-même connu pour ses dons de chanteur, qui lui avaient valu en tant que ténor des débuts fracassants dans sa carrière de musicien, Graun soigne tout particulièrement la partie vocale de ses rôles, et cela pour le plus grand bonheur de tous.

L'enregistrement dont il s'agit ici est le reflet de représentations scéniques données en juin 2024 dans le cadre du Palais de Sanssouci de Postdam, d'où quelques approximations passagères, qui retirent à certains airs la lecture léchée et soignée qu'auraient permise le studio. L'ensemble n'en est pas moins d'un excellent niveau, grâce à la présence de quelques très grands noms du baroque. Bien connu pour ses interprétations des héros de Hasse, est ainsi très convaincant dans la partie d'Adriano dont il traduit la sagesse du grand souverain éclairé une fois vaincus les élans de la passion. On découvre face à lui, dans le rôle de Sabina, la soprano qui fait très belle impression grâce à un instrument souple et ductile. Le couple vedette est en réalité formé du tandem Erismena / Farnaspe, interprété ici par la soprano et par le sopraniste . La première éblouit par l'élégance de ses phrasés et la gravité tragique qu'elle sait imprimer à ses airs, le second impressionne par la maîtrise de sa tessiture sans pour autant séduire par la qualité de son timbre, non dépourvu de quelque stridence. Dans le rôle d'Osroa le ténor vocalise avec énergie, mais ne fait pas montre de véritable virtuosité à l'italienne. On le préfère dans les opéras français où sa diction impeccable et son registre de haute-contre lui sont plus seyants. La distribution est complétée par le sopraniste , qui lui aussi se sort avec honneur d'une tessiture exceptionnellement élevée. Belle participation de deux choristes qui ajoutent leur voix aux six solistes pour des parties chorales étonnamment développées. À la tête de l' la flûtiste , également depuis 2018 directrice artistique du festival de musique Potsdam Sanssouci, confirme les affinités qu'elle a avec ce répertoire de musique italienne à l'allemande, dont elle sait rendre toutes les beautés et toute la spécificité. Belle découverte qui ravira les amateurs d'opéra baroque du dix-huitième siècle.

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