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Le Teatro Real de Madrid ouvre sa saison avec Otello de Verdi

Pour son ouverture de saison, le Teatro Real de Madrid reprend la production d'Otello mise en scène par , créée en 2014 à l'English National Opera et reprise in loco en 2016, avec , et dans les rôles principaux sous la baguette de .

Si la pertinence, la lisibilité et l'efficacité de la mise en scène de ne sont plus à démontrer, tout l'intérêt de cette reprise de l'ultime opéra de (1887) tient à sa distribution vocale de haute volée n'affichant pas moins de deux prises de rôles ( en Desdémone et en Otello) et à la direction musicale magistrale de , expert reconnu du répertoire verdien. Comme annoncé dans sa note d'intention, centre son propos sur l'étude psychologique des personnages et sur une dramaturgie serrée qui va crescendo, faisant fi de toute composante temporelle ou raciale : tout au plus prend-il en compte une différence sociale symbolisée par les costumes des deux héros (Desdémone d'ascendance aristocratique et Otello issu d'un milieu plus populaire) pour renforcer le moteur du drame, Otello étant en permanence hanté par la peur de ne pas mériter l'amour de Desdémone. L'histoire nous conte alors sur ce terrain propice une machination ourdie par Yago autour du thème de la jalousie qui conduira, in fine, Otello à une longue déchéance hallucinée, au féminicide et au suicide.

La scénographie très épurée fait appel à un décor unique représentant un vaste parvis de château-forteresse qui fait, tour à tour, office de port au I, de salle de Palais, occupée par quelques chaises et tréteaux au II et au III, et de chambre au IV avec un lit métallique, sur lequel, assise et immobile, Desdémone consciente et résignée attendra la mort. Rappelons pour mémoire les éclairages percutants d'Adam Silverman qui, avec leur jeu d'ombre et de lumière, entretiennent et exaltent l'acuité du drame, tout particulièrement dans l'acte final où l'ombre gigantesque d'Otello pénètre lentement dans la chambre de Desdémone, annonçant l'imminence du terrible dénouement. Citons encore les chorégraphies bien réglées autour de la ballerine Claudia Aguëro, une direction d'acteurs irréprochable (bagarre, beuverie) et un investissement scénique méritoire de la part de tous les chanteurs-acteurs.

Le lustre de cette reprise repose bien évidemment sur sa distribution vocale qui réunit des chanteurs totalement investis vocalement et scéniquement. pour sa prise de rôle s'affirme d'emblée comme un nouvel Otello de référence. Son « Esultate…Vittoria » donne immédiatement le ton avec une projection insolente, un timbre rond et clair et une facilité vocale impressionnante ; son implication scénique est admirable de bout en bout qui nous donne à vivre et à entendre toutes les facettes et nuances d'une progressive descente aux enfers. Face à lui, est une Desdémone habitée et sensuelle, dont la prestation vocale d'une beauté confondante associe une rare homogénéité de la ligne et un sublime legato pour faire de la Chanson du saule et de l'Ave Maria, un grand moment d'émotion. complète ce trio de choix en campant un Yago pervers, perfide et manipulateur à souhait dont le baryton souple et nuancé sert remarquablement le noir dessein. Airam Hernandez assume joliment toute la complexité de son personnage de Cassio, tandis qu' (Roderigo), In Sung Sim (Lodovico), (Montano) et Enkeledja Shkoza (Emilia) tous bien chantants achèvent de compléter ce très beau casting.

est incontestablement l'autre grand acteur de ce succès madrilène, qui manie avec une incandescente virtuosité chœur et pour donner au drame toute son ampleur : phrasé tendu, richesse en nuances rythmiques et dynamiques, performances solistiques de haut niveau (violoncelle, harpe, cor anglais), tout en maintenant un équilibre parfait avec le plateau. Le Chœur de Teatro Real, impeccable de diction et de précision, finit de compléter cette superbe production.

Crédit photographique : © Javier Del Real / Teatro Real

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