Valentin Berlinsky (1925-2008), violoncelliste et membre historique du célèbre Quatuor Borodine, aurait eu 100 ans cette année. Pour lui rendre hommage, sa fille, Ludmila Berlinskaïa, et sa petite-fille, Maria Matalaev, se sont entourées de nombreux artistes lors d'un festival-hommage donné du 15 au 19 octobre à la salle Cortot à Paris. Nous étions aux concerts des 17, 18 et 19 octobre.
Le concert du vendredi 17 octobre réunit le Quatuor Danel, le Kazakh State String Quartet, le violoniste Mikhail Kopelman, le violoncelliste Boris Andrianov et la pianiste Ludmila Berlinskaïa. Après un Quatuor op. 18 n°1 de Beethoven un peu brouillon par le Quatuor Danel, nous est offert un sublime Trio avec piano n° 2 de Dimitri Chostakovitch. L'engagement des musiciens (Mikhail Kopelman, Boris Andrianov et Ludmila Berlinskaïa), l'équilibre entre les trois instruments, la beauté de la partition font de l'interprétation de ce Trio un grand moment de musique. Le programme se poursuit avec le Quatuor à cordes n° 9 de Chostakovitch par un quatuor Danel plus en verve et par Deux pièces pour octuor à cordes de Chostakovitch qui réunissant les Danel et le Kazakh State String Quartet, deux formations ayant reçu l'enseignement de Valentin Berlinsky.
Le lendemain, le Kazakh State String Quartet vient interpréter le Quatuor op. 33 n° 5 de Joseph Haydn ce qui permet d'apprécier le haut niveau musical de cette formation du Kazakhstan. Les quatre musiciens jouent également le Quatuor n° 1 écrit en 1973 par la compositrice Gaziza Zhubanova. L'œuvre, figurative, est plaisante à l'oreille même si son esthétique post-romantique la situe près de 70 ans en arrière par rapport à sa date de composition. Le Trio en la mineur op. 114 de Brahms interprété par Nicolas Baldeyrou, Ludmila Berlinskaïa, et la violoncelliste Anastasia Ushakova et l'Ouverture sur des thèmes juifs de Sergueï Prokofiev par le clarinettiste, la pianiste et le Kazakh State String Quartet, complètent sublimement ce programme.
Le festival se clôt par un dernier concert le dimanche 19 octobre. Une émouvante projection du Nocturne du Quatuor n° 2 Borodine par le Quatuor Borodine est diffusée avant le concert. La pianiste Elisabeth Leonskaja rejoint ensuite trois membres du Quatuor Modigliani (Loïc Rio, François Kieffer et Laurent Marfaing) et le contrebassiste Gregory Kovalevsky pour une réjouissante interprétation du Quintette « La Truite » de Schubert. Un hommage au compositeur Rodion Chtchedrine, récemment disparu, a lieu ensuite avec l'interprétation du premier mouvement de son Diptyque pour violon seul par Dmitri Sitkovetsky. Le concert s'achève avec le virtuose Sextuor pour piano et cordes en mi bémol majeur de Glinka avec Mikhaïl Kopelman, en premier violon, les trois membres du Quatuor Modigliani précités et Ludmila Berlinskaïa.
Durant ces trois jours de festival, les spectateurs ont eu l'impression d'être invités à une sorte de schubertiade, ces moments où Franz Schubert réunissait ses amis pour jouer ensemble de la musique. Les formations et les solistes, tous liés à Valentin Berlinsky, se sont réunis et mêlés dans une atmosphère chaleureuse où régnait le bonheur de jouer et de partager la musique sous l'égide du patriarche Berlinsky dont le portrait ornait un côté de la scène. Interviewés par Clément Rochefort, les musiciens ont évoqué de nombreuses anecdotes permettant ainsi de découvrir certains traits de la personnalité de Valentin Berlinsky et surtout de voir à quel point la transmission était au cœur de la vie de ce grand musicien.