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Sur le fil avec Georges Aperghis

, dont on fête cette année les 80 ans, convie ses fidèles interprètes dans ce nouveau CD monographique dont les quatre pièces réunies couvrent plus de trente ans de création.

Rappelons que le compositeur fut un des premiers à écrire pour l'accordéon. Ça tourne, ça chante, ça groove dans Merry go round (Manège), une pièce relativement récente (2019) pour accordéon à laquelle confère une vitalité et un nuancier de couleurs qui émerveillent, jusqu'à se rapprocher des sonorités du shō dans les dernières pages de la partition.

Le cymbalum est une spécialité de qui, elle-même joue la musique d'Aperghis depuis fort longtemps. Lignes de fissure (2008) lui est dédiée, comme Sur le fil (2022). Dans la première pièce, le compositeur laisse un espace d'interprétation à la cymbaliste qui est libre de gérer son temps, de couper les résonances, de sculpter son phrasé, au sein d'une partition dont le rythme n'est pas fixé. Sur le fil, comme son titre l'indique, est un « tour d'équilibriste », entre résonance et matité de la sonorité. On peut s'imaginer également un petit théâtre de sons et une galerie de personnages qui entretiennent la conversation, entre prise de bec, joute verbale et mouvements d'humeur.

Plus ancienne et de plus grande envergure, Tingel Tangel (Cabaret de bas étage en allemand) est « une pièce de concert sur la clownerie métaphysique, grotesque, la mort », écrit le compositeur. Cette « tragédie en musique » déclinant dix numéros mêle le texte, la voix parlée et chantée et les instruments complices, avec états de tension, douleur et points de crise. La soprano nous raconte son histoire, à voix nue et dans le désordre d'abord avant de rétablir l'ordre des choses (Intermèdes I et II) ; « Détourner les mots, les idées, les sons constitue l'essentiel de mes désirs artistiques », confie . Le scénario en six « scènes » est plein de rebondissements, qui sollicite autant la soprano que ses partenaires instrumentistes, accordéon et cymbalum, avec en sus des petites percussions, tambour, cymbales, gong et autre crécelle, à portée de main de la cymbaliste. Speakerine suscite toutes sortes de sonorités exogènes qui semblent illustrer le «propos ». La chanteuse est « sur le fil » dans Equilibristes (le numéro le plus développé), diva étourdissante oscillant dangereusement entre tension dramatique et vocalises exaltées. Mélodrame fait intervenir la voix de , devisant sérieusement avec sa voisine sous les tenues narquoises de l'accordéon avant que la tension ne monte. L'accordéon donne du soufflet et les deux voix chantonnent de manière plus insouciante dans Pas à Pas. Comme dans le Prologue, l'énergie est à son comble dans Salto mortale et le moment est « grave », avec suspens et geste final explosif. L'engagement d', bien épaulée par ses deux partenaires, est total et la voix polymorphe anime ce petit théâtre mental sans jamais déborder la musique, laissant librement voyager l'imagination de l'auditeur.

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