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La Renarde rusée par Ariane Matiakh et Claudia Muschio à Stuttgart

La production un peu passe-partout de donne le premier rôle à la musique, avec une belle distribution issue de la troupe.

La Renarde a pris du galon : le titre allemand habituel est un diminutif, équivalent à notre Petite renarde ; pour cette nouvelle production, elle est simplement La Renarde rusée, ce qui n'est que justice : on a bien raison aujourd'hui d'y voir une figure féminine d'émancipation, dans une œuvre qui a certes cette élégance aérienne qui lui permet de parler aux enfants, mais aussi une ampleur philosophique qui n'a pas beaucoup d'équivalents dans le répertoire lyrique.

Pour cette nouvelle production, l'Opéra de Stuttgart a invité , metteur en scène expérimenté mais inégal ; sa troisième création pour la maison après Le Prince de Hombourg et L'Or du Rhin, est sans doute la moins réussie des trois ; son idée d'effacer les limites entre nature, homme et animaux est intéressante sur le papier (et elle ne fait au fond que traduire ce que l'œuvre dit déjà toute seule), mais elle ne trouve pas vraiment de traduction visuelle, dans un décor massif qui écrase les personnages, y compris les inventifs costumes qui jouent bien de cette dualité. La Renarde apparaît bien humaine, et les personnages humains ont tous des moments où le vernis de la civilisation cède devant le retour de l'animalité – ce qui n'est pas un mal. Kimmig sait faire, il est un directeur d'acteurs habile, mais la conception d'ensemble du spectacle n'apporte qu'une vision superficielle de l'œuvre.

La réussite musicale est heureusement beaucoup plus grande. , qui fait ses débuts à Stuttgart, trouve le ton juste et équilibre avec soin l'orchestre et les voix ; elle ne va pas jusqu'à l'extase sonore panthéiste que Mirga Gražinytė-Tyla faisait naître à Munich, mais le travail du son, de la transparence, de la dynamique, est remarquablement soigné, avec un orchestre qui la suit à la perfection. Cette approche plus pudique, plus en demi-teintes, surprend d'abord un peu, mais on cède vite à sa réelle poésie pleine d'émotion.

Autre grande qualité de son travail et de celui de l'équipe de Stuttgart, les chanteurs, dont beaucoup de membres de la troupe, ont été visiblement préparés avec grand soin – et le fait est que personne ne semble buter devant les difficultés de la langue tchèque, pour autant qu'on puisse en juger sans la comprendre. Le rôle-titre est attribué à , membre de la troupe et bouleversante Amina de La Sonnambula il y a peu ; sans aller jusqu'à faire corps avec le rôle comme le fait Elena Tsallagova qui le domine depuis deux décennies (à Paris ou à Munich par exemple), elle fait des débuts prometteurs dans ce répertoire bien différent, avec déjà le naturel de la phrase musicale et théâtrale si particulière de Janáček et, décidément, un talent d'actrice qui tire bien profit de ce que lui fait faire Kimmig, notamment dans le partenariat avec le beau Renard d'. L'humain en chef de cette ménagerie, le garde-forestier chanté par Paweł Konik, a une voix sans doute moins généreuse que celle du braconnier chanté par , mais il offre tout de même l'humanité mélancolique qu'on attend du personnage, alors que curé comme instituteur sont un peu plus pâles. Il faut espérer que l'Opéra de Stuttgart n'oubliera pas de reprendre le spectacle pour permettre à chacun d'eux d'approfondir leur compagnonnage avec leur rôle.

Crédits photographiques : © Martin Sigmund

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