Après la rupture entre John Eliott Gardiner et ses ensembles historiques, c'est un chef français qui a été choisi pour diriger le Monteverdi Choir et les English Baroque Soloists pour un programme Charpentier autour de la Nativité.
C'est en 1694 que Marc-Antoine Charpentier compose sa célèbre Messe de Minuit pour la grande église parisienne des Jésuites Saint Paul-Saint Louis où il était maître de chapelle. L'ordinaire de la messe est composé sur la mélodie des noëls populaires que chacun reconnaissait à l'époque, offrant ainsi une parfaite synthèse entre sacré et profane. Comme dans les messes pour orgue où les versets instrumentaux alternent avec le plain-chant, les sections instrumentales alternent ici avec les parties vocales jouant sur les contrastes tutti/soli. Quelques années plus tôt, Charpentier composait le grand motet In nativitatem Domini canticum sur le modèle des oratorios romains de son maître Carissimi. Cette histoire de la Nativité commence par une référence à l'Ancien Testament avant d'évoquer la naissance du Christ comme le font les Évangiles. Entre les deux parties, une extraordinaire section instrumentale intitulée Nuit rappelle les Sommeils des opéras et plonge l'auditeur dans une attente mystique qui aboutira à l'ouverture des cieux aux yeux des bergers stupéfaits. Cette véritable mise en scène théâtrale des Écritures est caractéristique du style italien auquel Charpentier s'est formé à Rome.
Après avoir donné ce programme en décembre 2024 à Saint-Martin-in-the-Fields puis en tournée européenne, Christophe Rousset insuffle une belle élégance française à ce répertoire qu'il connaît fort bien. La pureté de la ligne mélodique ressort admirablement, et les contrastes théâtraux voulus par Charpentier sont particulièrement éloquents. Dans le motet In nativitatem Domini, les deux épisodes élégiaques que sont La Nuit (instrumental) et le chœur des bergers (O infans, O Deus!) proposent un recueillement très habité. Solistes et chœur sont tous excellents. Le grand effectif de l'orchestre semble conforme à celui de la création et permet de beaux contrastes entre ripieno et instruments solistes, comme dans les Noëls aux instruments. On peut regretter que ces noëls soient tous regroupés en deux suites plutôt que de prendre place au cours de la messe, comme il est d'usage dans les nombreux autres enregistrements de cette œuvre, en particulier dans le récent disque que lui a consacré Sébastien Daucé avec l'ensemble Correspondances. Quoi qu'il en soit, la direction précise et ciselée de Christophe Rousset emmène l'ensemble vers des sommets d'expressivité, ponctués d'éloquents silences comme dans le Et homo factus est du Credo de la Messe. Du très grand art.
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