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La danse classique dans tous ses états à Garnier

Le premier programme de l'année du Ballet de l'Opéra de Paris réunit quatre chorégraphes très différents, qui ont tous relevé avec passion le défi d'écrire pour la compagnie parisienne. Mais le résultat est inégal…

La soirée commence par Répliques, une chorégraphie introspective de , créée en 2009 pour le Ballet de l'Opéra de Paris. Les répliques, échos lointains d'un séisme ou ricochets d'un galet lancé sur l'eau, ce sont aussi les reflets des danseurs et leurs doubles dans un miroir fictif. Subtils, et , et , évoluent avec intensité croissante sur la musique de Ligeti. La profondeur vient au fil des tableaux, rythmés par les toiles peintes abstraites en noir et blanc de . A l'avant-scène, un galet de bronze aux contours lisses attend sagement, à l'image de la pièce.

Abordant pour la première fois des danseurs classiques, à l'occasion de cette commande du Ballet de l'Opéra de Paris, le chorégraphe a commencé par la fin du spectacle : le Salut. Il décompose ce rituel obligé en mécanique pointue, bien aidé par la poupée Coppélia. Très premier degré dans cette séquence, il n'est pas loin du fantasme. Mais la distance vient très vite grâce à la musique électronique de . Culotté, il n'hésite pas à glisser quelques pas de break dance dans la gestuelle stylisée de la pièce. et s'en donnent à cœur joie. Assez laids, les costumes en néoprène noir et blanc évoquent des Playmobil ou les robots clonés de la série Real Humans. Faut-il les recharger ? Quand les danseurs s'en débarrassent progressivement, des personnalités peuvent percer sous les perruques.

Manipulés, étirés, les danseurs redeviennent des poupées de chiffon. Dans le répertoire classique, il y a souvent des corps évanouis ou morts que l'on traîne (Giselle, Juliette…). Chez Béjart, Neumeier ou les différentes versions du Sacre du Printemps, il y a aussi des renaissances et des saluts au soleil. Le spectacle est truffé de citations, une preuve de sa culture chorégraphique. Cependant, si le concept est là, clair et mûrement réfléchi, Rigal a peut-être manqué de temps pour affiner sa proposition. Le dernier quart d'heure, franchement contemporain, donne une idée de ce qu'il pourra mieux exploiter la fois suivante.

Le bonus Millepied

Proposée comme un bonus et ajouté in extremis au programme de la soirée, le duo de , Together alone, respire à la fois l'urgence et la décontraction. L'urgence d'avoir voulu créer, à peine arrivé à la tête du ballet, un duo pour l'une de ses danseuses étoiles : . La décontraction d'un duo très simple, où les danseurs sont vêtus de jeans slim et de tee shirts, sur une partition de Philip Glass. Les épaules carrées de la danseuse, magnifique, servent de pivot à chaque instant de cette conversation dansée. , effacé, sert de faire valoir efficace à sa partenaire, toute entière dans la lumière.

La soirée s'achève par Andréauria, créé pour la compagnie en 2002 par le canadien Edouard Lock. Plus virtuose et seul de la soirée à utiliser les pointes, à l'instar de Forsythe ou de Balanchine, le chorégraphe ne s'éloigne pas assez de ses maîtres pour forger une matière totalement originale. Dans un espace sculpté par des puits de lumière et délimité en fond de scène par deux pianos qui se font face, la lecture est, là encore, premier degré. Avec des fulgurances et des ruptures nettes comme Forsythe aimait le faire, Edouard Lock enchaine les tableaux semblables. Seule transcende cette relecture. Vibrante, elle forme un couple passionné avec , qui marque par sa forte image finale un ballet un peu long et insipide.

Photo : © Agathe Poupeney / Opéra national de Paris

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