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Emanation du GMEM

Festival « Les Musiques »

Marseille. Théâtre National de Marseille La Criée/Opéra de Marseille. 9-V-03. Georges Bœuf, Verlaine Paul. , Sophie Pondjiclis, Sophie Oinville, Nicole Fournié, Jacqueline Mayeur, Jacques Lemaire, Eric Chorier, François Castel, etc. Orchestre de l'Opéra de Marseille. Direction : Michel Swierczewski. Mise en scène : Frédéric Bélier-Garcia. Décors : Jacques Gabel. Costumes : Catherine Leterrier. Lumières : Franck Thevenon.

Marseille. Friche de la Belle de Mai, Salle Seita. 10.V.2003. Pierre-Alain Jaffrennou, Dieu et Madame Lagadec ; Bach, Suite n° 2 pour violoncelle ; Xenakis, Nomos alpha. Marie-Joséphine Thomas (voix), Christophe Roy (violoncelle). Mise en scène : Michel Rostain.

Marseille. Théâtre de la Minoterie. 10.V.2003. Philippe Fénelon : K.danza. et (danseurs). Eranchanathan (chant). Chorégraphie : .

Marseille. La Criée. 10.V.2003. Klas Torstensson, Lantern lectures (volume 1) ; , Anaktoria ; , Wanderlied (création mondiale) (1) ; , Le reste du temps (création mondiale) (2). (violoncelle) (1, 2), Françoise Rivalland (2). NEM (Nouvel ), Montréal. Direction : .

Emanation du GMEM, Centre national de création musicale, le festival Les Musiques de Marseille est passé cette année à la vitesse supérieure en proposant pour la première fois un ouvrage lyrique, Verlaine Paul de Georges Bœuf (né en 1937), qui fonda le GMEM en 1969. Créée à l'Opéra de Nancy en octobre 1996 avec dans le rôle-titre et sous la direction de Michel Swierczewski, que l'on retrouvait tous deux dans cette nouvelle production, l'œuvre faisait l'ouverture des festivités. Cette fois, non pas dans la mise en scène d'Antoine Bourseiller mais dans celle de Frédéric Bélier-Garcia, scénographe associé du théâtre de La Criée, salle qui s'était jointe pour l'occasion à l'Opéra de Marseille. La structure du livret de Verlaine Paul signé Franck Venaille est comparable à celle de Wozzeck de Berg, avec ses quinze scènes, et la musique de Georges Bœuf se situe entre ce dernier ouvrage et Pelléas et Mélisande de Debussy, le tout associé à l'électroacoustique chère au compositeur de Verlaine Paul. La vie du poète est évoquée en douze épisodes entrecoupés de trois scènes qui plongent dans le séjour à l'hôpital où mourra Verlaine. Outre la question du créateur marginal en bute avec la société, Verlaine Paul s'attache aux relations mère/fils qui n'ont pas été abordées au théâtre lyrique avec une telle force. Pour resserrer l'action et la dramatiser davantage – l'opéra ne dure plus désormais que cent quinze minutes au lieu de cent trente cinq –, Bœuf a taillé dans les interludes. Ce qui est regrettable, car ils contenaient de fort belles pages. Mais le compositeur réussit la gageure de traiter musicalement le sujet en conformité avec les caractéristiques de la personnalité et du style du poète. Avec le recul du temps et la maturation de l'œuvre, campe un Verlaine plus grave et profond qu'il y a sept ans à Nancy, et si sa voix s'est creusée, le baryton n'en est que plus bouleversant, comme s'il était lui-même devenu Verlaine vieillissant. Le reste de la distribution est d'une totale cohérence, jusque dans les plus petits rôles, qui forment souvent un ensemble vocal. Parmi eux, la mère douloureuse campée par Sophie Pondjiclis. Sous la direction dynamique et ferme de Michel Swierczewski, l'Orchestre de l'Opéra de Marseille donne le meilleur de lui-même. Seule une fosse trop étriquée pour contenir toutes la percussion, nuit à l'équilibre de l'ensemble.

Œuvres multimédia

Outre ce spectacle d'ouverture, le festival Les Musiques de Marseille a proposé chaque jour plusieurs rendez-vous successifs autour de la thématique de l'édition 2003, les relations voix, geste, instruments et électroacoustique qui aboutissent aujourd'hui à des œuvres multimédia. Ainsi, Dieu et Madame Lagadec associait la comédienne Martine-Joséphine Thomas et le violoncelliste Christophe Roy, qui ont offert un spectacle déchirant de douleur dans une lumière noire comme la mort. Ce spectacle s'est ouvert sur la Deuxième Suite pour violoncelle de Bach qui introduisait la pièce lui donnant son titre, Dieu et Madame Lagadec pour voix, violoncelle et dispositif électronique sur un texte violent et excessif de Paol Keineg, reflet de la déchirure d'une femme qui vient de perdre son enfant et s'en prend à l'indifférence divine. Ce monologue mis en scène par Michel Rostain est remarquablement commenté par l'impossible dialogue qu''instaure la musique de Pierre-Alain Jaffrennou (né en 1939) et dont l'effet dramatique est amplifié par le mouvement initial de la Suite n° 1 pour violoncelle de Bach. Christophe Roy conclut sur l'extraordinaire Nomos Alpha pour violoncelle seul de (1922-2001) dont il est l'un des interprètes les plus inspirés. Avec K.danza, ce sont les relations du verbe, du geste et de la parole qui sont sollicitées. Conçue à partir d'un premier spectacle créé à Albi la saison dernière dans le cadre de la résidence de Philippe Fénelon, (né en 1952), cette chorégraphie a été réalisée sur des pages magnifiques du compositeur enregistrées sur bande par trois virtuoses, tour à tour Dominique My (clavecin), Florent Jodelet (percussion) et (contrebasse), et se conclut sur un chant tamoul interprété en direct par un authentique Tamoul, Eranchanathan. Ces beaux instants sont malheureusement gâchés par une fort longue introduction récitée par le chorégraphe Michel Keleminis, et l'on se demande, cinquante minutes durant, où ce dernier veut en venir. Plus traditionnel, dans la forme comme dans le fond, le concert du NEM (Nouvel Ensemble Moderne) de Montréal proposait deux créations mondiales pour violoncelle et ensemble, l'une signée (née en 1926), l'autre (né en 1945). « Chant sans parole », Wanderlied de la première est une page intime dans laquelle la compositrice franco-américaine se confie à travers la voix du violoncelle, alors que les amis et ennemis qu'elle s'est faite tout au long de sa vie s'expriment à travers l'orchestre avec force tendresse Le reste du temps d'Aperghis est le mouvement central d'une pièce encore en écriture. Le compositeur d'origine grecque s'y livre tout entier, brossant un chant gorgé de tendresse et d'amour, jouant magnifiquement des couleurs et de la virtuosité des solistes et de tous les pupitres de l'orchestre. Au point que l'on regrette que le cymbalum, instrument nostalgique par excellence, se trouve en retrait par rapport à un violoncelle au lyrisme exacerbé, joué avec une onctuosité inouïe par une en très grande forme, mais le compositeur assure que les deux instruments solistes seront traités à égalité dans ce qui lui reste à écrire. Le NEM a donné de l'octuor de Xenakis Anaktoria (1969) pour deux violons, alto, violoncelle, contrebasse, clarinette, basson et cor une lecture dense et virtuose, lui donnant ainsi la dimension d'un classique. Reste la pièce du Suédois Klas Torstensson (né en 1951), Lantem lectures, volume 1 (2000), interminable, creuse, si insipide qu'il vaut mieux l'oublier au plus vite.

Radio kawkaïenne

Eloge de la radio de Denis Levaillant (né en 1952) est un conte musical loufoque de près d'une heure et demie. Comme son titre l'indique, il s'agit d'un hommage à la radio à travers son histoire, des années vingt à nos jours. Cette œuvre hilarante, moins délirante cependant que Laborintus II de (né en 1925) donné deux jours plus tard dans le cadre de ce même festival par l'Ensemble Ars Nova, est parfois un peu long, mais le finale est si extravagant, les musiciens se lâchant soudain pour improviser et jouer à toutes sortes de jeux tels de grands enfants, que l'on se laisse finalement volontiers emporter. La présence de deux bruiteurs de Radio France, les frères Ange et Bertrand Amiel, fils de Louis, le fondateur de la dynastie, a rappelé combien la radio est redevable à cette profession qui, depuis toujours, donne vie et vérité aux dramatiques et feuilletons radiophoniques. Dirigé par son fondateur , l' s'impose de plus en plus comme l'une des meilleures formations de musique contemporaine, grâce à sa belle homogénéité et à ses saines et malléables sonorités.

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