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Triomphe pour Idomeneo

Si, toute provocation mise à part, le Regietheater à l'allemande nous a apporté un regard plus psychologique sur les opéras du passé, s'il nous a permis de percevoir différemment le jeu sur scène d'un chanteur lyrique, actuellement, il est définitivement en train de tourner en rond.

Les décors, souvent les plus laids possibles, se ressemblent d'un opéra à l'autre, les éléments scéniques (chaises, tables, radiateurs, valises… ) sont les mêmes quelle que soit l'œuvre en question. Les costumes, en aucun cas de l'époque prévue par l'auteur du livret et rarement beaux à regarder, représentent tout sauf le statut social du personnage. Une fin heureuse doit impérativement être ridiculisée. Dernier exemple de ce style quelconque : l'Idomeneo mis en scène par Christof Nel à l'opéra de Cologne.

C'est son premier Mozart, nous informe le bureau de presse. Mais fallait-il le préciser? Nel et son équipe ont-ils vraiment cherché à pénétrer dans l'univers de Mozart? Non. Leur travail, très professionnel d'ailleurs, porte sur des personnages, leur psychologie, leurs relations et leurs interactions. Que ces mêmes personnages s'expriment par la musique de Mozart semble être un hasard.

Heureusement, la musique est servie par des interprètes de très haut niveau. au pupitre d'un Gürzenich-Orchester en formation de Mannheim (et en très grande forme), met en valeur toutes les richesses de cette partition qui n'est nullement, comme certains le croient toujours, un énième opera seria avec son interminable suite d'airs da capo. La lecture de Stenz (vibrato, ornementations, basso continuo – mention spéciale pour au fortepiano) montre clairement que cet opéra est ancré dans la tradition baroque tout en relevant les innovations du jeune Mozart concernant notamment l'instrumentation et la structure de l'œuvre.

Le rôle-titre a été confié à , grand spécialiste des emplois mozartiens. Si le timbre n'est pas vraiment beau, on ne peut qu'admirer son chant, techniquement et stylistiquement sans failles. Sans aucun effort perceptible, il triomphe des nombreuses difficultés de la partition et parvient en même temps à composer un vrai personnage, attachant et touchant. Son fils Idamante est chanté par un membre de la troupe de Cologne, la jeune mezzo australienne . Malgré sa jeunesse, elle nous surprend avec une prestation complète, vocalement et scéniquement. Pour Ilia, sa bien-aimée, on avait également choisi une jeune troupière, . Si l'on peut regretter une certaine raideur du timbre, la soprano lithuanienne finit par nous convaincre par sa sensibilité musicale et son grand investissement. Elettra, cette fois, n'est pas interprétée dans la tradition spinto d'une Birgit Nilsson des années 50, d'une Julia Varady ou d'une , mais en tant que soprano drammatico d'agilità. , malgré quelques petites limites dans le registre grave, se montre tout à fait à la hauteur de la tâche. Son «D'Oreste e d'Ajace», terminé par un contre-ut fulgurant, a été salué par une ovation bien méritée. En revanche, on ne peut que regretter le contre-ut qu'ajoute Ray M. Wade jr. dans l'air d'Arbace. Avant cette note laide et détimbrée, il avait laissé une impression plutôt bonne…

Un dernier regret : Dans le programme, on ne trouve aucune indication concernant la version choisie par (et Christof Nel?). Il s'agit, semble-t-il, de la première version que Mozart avait écrite pour Munich à laquelle on a ajouté quelques airs supplémentaires dont le «D'Oreste e d'Ajace» mentionné plus haut. Mais, chers lecteurs, dans le public il n'y a pas que des spécialistes qui connaissent par cœur les nombreuses versions d'Idomeneo

Crédit photographique : © Klaus Lefebvre

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