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Musiques d’aujourd’hui au Festival de Radio-France, enfin !

Festival de Radio-France et Montpellier

Montpellier, salle Pasteur du Corum. 18-VII-2005. (né en 1966)  : Instantanés pour cordes. (né en 1955) : Concerto pour violon (version pour violon et orchestre de chambre). Philippe Schœller (né en 1957) : Winter dance, symphonie de chambre. Violon : Noëmi Schindler. , direction : .

Montpellier, salle Pasteur du Corum. 19-VII-2005. (né en 1937) : Le son d'une voix. (né en 1959) : (D') Aller pour violon soliste et treize instruments. (né en 1955) : Quatre variations pour vibraphone et ensemble instrumental. Violon : Alain Giguère ; percussions : Daniel Ciampolini. Orchestre Philharmonique de Radio-France, direction : .

Pour le XXe anniversaire du Festival de Radio France Languedoc- Roussillon, son directeur René Kœring inaugure une nouvelle série de concerts – toujours gratuits et à dix huit heures – consacrée à la musique de la dernière décennie du XXe siècle voire du tout début XXIe siècle : Excellente initiative – bien que tardive!- dans ce festival où, durant vingt ans, la musique contemporaine n'a guère résonné dans les murs du Corum de Montpellier. Une place de choix y est faite aux compositeurs français des années soixante, personnalités qui aujourd'hui s'imposent comme les grands représentants de la pensée musicale.

Sous la conduite éblouissante de , le premier concert réunissait trois compositeurs à l'esthétique très différente servie par l'interprétation remarquable de l'orchestre philharmonique ici en formation réduite. Instantanés de proposait un travail très fin sur la matière des cordes, un jeu sur le temps entre « continu et discontinu » dans une articulation très claire du discours musical. Œuvre de plus grande envergure, le concerto pour violon de , ici dans sa version pour orchestre de chambre, eut sans aucun doute un impact beaucoup plus prégnant auprès du public ; dans le premier mouvement d'abord où se déchaînent les deux forces en présence ; en opposition constante avec l'orchestre, le violon solo est conduit de main de maître et avec une ténacité opiniâtre par Noëmi Schindler et revendique sans jamais faillir sa place au sein d'un ensemble prêt à l'étouffer, métaphore d'une société qui s'acharnerait à écraser l'individu. Le deuxième mouvement laisse davantage s'exprimer le soliste dans un discours poignant auquel contribue pour beaucoup l'accordéon – magnifique – irradiant ses sons inouïs dans un espace sonore très épuré. Le concert se terminait dans le plus bel éclat sonore avec l'œuvre magistrale de Philippe Schœller, inspirée par le tableau de Pieter Bruegel l'Ancien, il ritorno dalla caccia. Avec une énergie très communicative, – qui s'affirme aujourd'hui comme le grand maître de la musique de notre temps -, offrit une vision flamboyante de cette partition dont on put apprécier la maîtrise formelle et le génie de l'orchestration.

Le concert du lendemain, toujours avec le Philharmonique de Radio France, était tout aussi passionnant, dirigé cette fois par un autre grand défenseur de la musique d'aujourd'hui, Pierre-André Vallade, chef permanent de l'. Au programme, trois compositeurs français allaient, là encore, nous dévoiler des univers singuliers où s'affirment de fortes personnalités. Partant toujours d'un modèle, ici celui d'un texte parlé, François Bernard Mâche tente, dans le son d'une voix, de transcrire instrumentalement les qualités sonores de cette voix, dans son articulation, ses reliefs, son spectre, aidé en cela par l'analyse des sonagrammes : Une expérience sonore qui parut dérouter l'auditoire manquant peut-être de repères dans l'écoute globale de l'œuvre.

Avec une force cinétique quasi diabolique, (D)‘Aller pour violon soliste et 16 instruments de nous fait voyager dans l'espace sonore selon les allures de l'onde sinusoïdale. Initiateur de ses grandes trajectoires, le violon solo est ici totalement intégré au mouvement général dont il réamorce sans cesse l'énergie. Et l'oreille est fascinée par cette écriture toujours risquée qui semble nous embarquer dans un « grand huit » sonore avec ses accélérations et ralentis spectaculaires : hommage appuyé à Ligeti à travers cette « mécanique de précision » qui fonctionne et se dérègle pour relancer un nouveau processus dans un principe essentiel de continuité. Saluons l'investissement prodigieux des instrumentistes du Philharmonique et du violon solo Alain Giguèr pour faire vivre cette écriture sans son plein rendement sonore. Dédiée à Daniel Ciampolini qui en assurait ce soir l'interprétation dans la salle Pasteur de Montpellier, les Quatre variations pour percussions et ensemble (2000) de sont une commande de l'. Fondée elle aussi sur l'énergie rythmique et les rapports d'équilibre entre un soliste et l'ensemble instrumental, l'œuvre dégage tout au long une puissance phénoménale à travers quatre métamorphoses d'un même matériau. travaille de manière presque obsessionnelle sur la qualité du timbre en recherchant des alliages inouïs qui modifient ou pervertissent le son originel. Mis en valeur au début de l'œuvre, le vibraphone est constamment doublé par le marimba ou le piano préparé qui en modifient la résonance. Plus qu'une référence à la variation classique, c'est celle du jazz et ses différents chorus qui domine ici, faisant passer le soliste d'une matière percussive à une autre – clavier, métaux, peaux – avec une dimension virtuose proche de l'improvisation : Une musique « qui crache le feu » et nous tient en haleine jusqu'à son ultime résonance.

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